Music Waves a eu l’extrême privilège de rencontrer Francis Zégut… Oui, oui, LE Francis Zégut qui nous gentiment reçu dans le bureau qu’il partage avec le producteur de « Pop Rock Station » Thomas Corveste. Une interview qui devrait flatter non pas vos cages à miel comme il l’aime à le dire le soir dans sa mythique émission nocturne mais vos mirettes !
Struck : Salut Francis, tout d’abord, merci de nous recevoir…
Zégut : Je t’en prie…
Struck : … peux-tu te présenter aux lecteurs de Music Waves ?
Zégut : Euh… Pffft… (Rire) C’est difficile de se présenter et parler de soi-même. Euh… Ch’ais pas… Ch’uis une sorte de Gandalf ; voilà, avec la barbe et tout… Apparemment, un passionné de musique depuis très longtemps et j’espère encore que ça va bien durer bien longtemps. Euh, j’fais de la radio ici ; j’garde le temple depuis 32 ans.
Maintenant, après avoir fait un long stage de longue durée chez maman RTL entre 76 où j’ai commencé au standard et 2000. Et puis, en 2000 jusqu’à maintenant, ch’uis les soirs chez RTL2 pour Pop Rock Station…
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Struck : Quelles sont les origines de ton nom ?
Zégut : Euh, elles sont un peu polonaises et un peu de l’est de la France…
Struck : Quel est ton parcours ? Ta formation ?
Zégut : Pfout… Ouais, l’autre fois dans l’école de ma fille, ils font des journées pour que des parents qui exercent parlent un peu de ce qu’ils font dans la vie, leur cursus vis à vis des étudiants etc… Alors, je me dis au départ : « J’vais y aller » et puis après, j’y suis pas allé parce que j’ai pas vraiment de cursus quoi ! Donc, comme on tanne les gens pour leur dire, il faut faire des études etc… J’pense que c’est valable maintenant en 2007, euh, ça l’était moins à mon époque !
Donc moi, j’ai un certificat d’étude, j’ai été typographe, apprenti boucher, convoyeur de bagnoles, j’ai fait plein de petits jobs comme ça jusqu’en 1976 où ch’uis rentré au standard de Max Menier pour faire « Les routiers sont sympas » avec déjà ce background musical !
J’suis passionné depuis que je suis môme quoi ! J’ai acheté mon premier 45 tours, c’était « Love Me Do » des Beatles en 1962 et j’écoutais beaucoup la radio qui était une sorte de refuge un peu pour moi quand j’étais tout môme ; j’avais 8-9 ans…
Struck : Quel conseil as-tu à donner pour nos lecteurs qui voudraient faire comme toi ?
Zégut : Ne faites pas le métier d’animateur, c’est le seul conseil que j’ai à vous donner !
Struck : Pourquoi ?
Zégut : Parce que euh… la radio n’est plus ce qu’elle était… On est entré dans un ère commerciale. Faut pas se le cacher mais c’est pas simplement que la radio, c’est toute la vie qui fonctionne comme ça ! Autant avant, on pouvait faire de l’approximatif en même temps, voilà, on faisait de la découverte et de l’échange de quelque chose quoi ! Pour moi, le média radio c’était ça ! Maintenant, ça l’est encore mais c’est très cadré, calibré, formaté…
Donc ne devenez pas animateur parce que non seulement, c’est pas un métier bien payé (rire) -faut être clair- pour ceux qui bossent là (il insiste) là !
Tu vois, il vaut mieux faire autre chose ; cultiver plutôt ce qui est internet ; les blogs, le htlm, l’utilisation/mettre en ligne des vidéos etc… J’pense qu’à travers ce média –parce que c’en est un vraiment à part entière maintenant- euh y’a moyen de trouver encore ou de gratter par rapport à une passion. C’est à dire je pense qu’on peut être dans n’importe quel endroit du monde avec un ordinateur, une petite caméra, un appareil photo et un petit peu de talent ou de passion à l’intérieur pour décrire ce qu’on voit en fin de compte et partager des histoires… Bon, après, ça devient du business ou ça n’en devient pas mais j’crois qu’en tous les cas, utiliser internet est -j’pense que c’est après la FM- la prochaine révolution commerciale ; ça sera internet, je crois !
Struck : Justement la programmation des radios est-elle influencée par internet (téléchargement, nouveaux talents, radio internet…) sachant qu’une étude montre que 9 millions de français écoutent la radio via ce biais ?
Zégut : Oui, bah, je sais pas… Ecoute, j’pense pas qu’en ce qui concerne la radio RTL2 et nos choix sont influencés par internet… Il y a suffisamment d’outils qu’on appelle les call-out ou les tests etc… et les consultants américains pour que la radio se fasse sa propre prog en regardant celle des autres aussi. Parce qu’on s’aperçoit quand même qu’il y a quand même quelques ponts et que les dirigeants de l’une écoutent celle de l’autre. Que si il y en a une ou deux qui démarrent quelque chose, bah la troisième prend le train en cours de route…
J’pense simplement qu’il y a d’autres habitudes de consommation qui se sont créées avec internet et que une fois que les webradios seront passées dans la voiture –un peu comme aux Etats-Unis- ou la radio numérique… bon, ben, j’pense que la radio telle qu’elle est faite là devra évoluer d’une manière ou d’une autre !
J’crois qu’on va vers un phénomène de niches en fin de compte via internet où un groupe aura une déclinaison de 25 formats différents et on viendra capter 10.000 là, 20.000 là, 10.000 là, 20.000 là… avec des chiffres non seulement de connexions et de durées d’écoute etc…
Et les annonceurs publicitaires pour faire vivre l’histoire iront là spécifiquement parce que le public est captif à 100%. J’pense quand on voit se développer un peu ce que l’on appelle le 360°, maintenant quand t’es un client –entre guillemet- tu prends un peu sur TF1, un peu dans la presse, un peu sur un site référent sur internet et c’est pas comme c’était avant où tout allait sur TF1, tout sur la télé parce que voilà, ça fonctionnait comme ça !
Struck : A ce titre, quel est ton avis sur les sites internet comme les nôtres qui parlent de musique ?
Zégut : Mais moi, j’trouve ça très intéressant parce que y’a d’abord un échange ; ce qu’on trouve plus beaucoup malheureusement et en télévision et en radio telles qu’elles sont faites ici quoi !
Bon, à part sur les libres antennes des mômes mais on tombe toujours sur les mêmes choses « Bite, Couille etc… » (Rire).
Chaque site, quand j’vais sur Music Waves et sur d’autres et des forums et tout… bon, tu peux être persuadé d’aimer un truc puis tu t’aperçois qu’il y a des gens qui détestent ou qui aiment moins, mais ce qui est important via internet, c’est d’avoir les mots pour le dire quoi !
Voilà qu’il y ait un vrai échange -on va dire- « c’est de la merde » pour « c’est de la merde », ça s’est facile à dire ! A partir d’un moment, bon, tu vas être face à un disque et tu vas pas avoir la même perception en fonction de l’individu évidemment mais fonction de l’heure de la journée ou de l’état dans lequel tu te trouves quoi ! Mais euh, moi, j’trouve ça parfait pour l’échange en tous les cas, l’idée est de goût tout simplement quoi !
Struck : Quelle est ta recette pour avoir une telle voix ?
Zégut : Je ne sais pas ? (Sourire) J’ai arrêté de fumer, je ne bois plus de whisky… de whisky ??? de whiskey ! de Bushmills… J’buvais du whiskey irlandais ! Euh, je ne joue plus au poker donc je ne rentre plus à 7h du matin… Ch’ais pas ? Faut remercier ma mère et mon père quoi si je peux leur dire merci pour quelque chose au moins ça ouais…
Struck : A ce titre, considères-tu être plus reconnu pour la particularité de ta voix ou ta programmation ? Et si tu devais choisir où irait ta préférence ?
Zégut : … Euh… La particularité de ma voix ? C’est un peu plus mais c’est pas l’essentiel non plus, voilà ! C’est comme… j’ai pu aimer et j’aime AC/DC, en même temps, j’ai reçu le DVD de Sigur Ros dont je suis un fan de la première heure… Voilà, c’est surtout dans l’éclectisme ; y’a eu tellement et y’a tellement de guéguerre de chapelles en disant « T’aimes le métal, t’aimes ci, t’aimes ça ! »… J’crois qu’il y a du bon à aller piocher un peu partout.
J’dis toujours que la musique est une émotion donc l’émotion ; tu peux être happy avec l’envie de faire la fête, tu peux avoir un coup de blues… et y’a différents genres, y’a une musique qui va correspondre à cet état… à l’état dans lequel tu te trouves !
Donc, si ça dure tout ce temps-là, j’pense pas que c’est simplement que pour la voix, quoi ! Euh… c’est que… J’ai en même temps quand je faisais l’émission « Wango Tango » qui était l’émission de métal ; j’ai passé Motörhead, en même temps, j’ai passé Marillion qui était du prog, j’ai passé « Tannhäuser » de Wagner, j’ai mélangé des trucs déjà à l’époque… et du blues… alors que bon…
Déjà dans « Wango… » y’avait une ouverture comme ça quoi !
Struck : Quel est ton avis sur le quota de 40% de musique française à diffuser ?
Zégut : Alors écoute à partir du moment où les français sont capables de faire 40% de bonnes musiques ! C’est mes critères en même temps, voilà ! Si, si dans une prog, il doit y avoir 40% de musiques francophones de bonne qualité : j’dis oui !
Pourquoi se restreindre d’ailleurs ?
Struck : Mais est-ce que ces 40% de qualité sont atteints selon toi ?
Zégut : Je trouve chez les français -mais c’est pas un secret- qu’on n’a jamais été rock’n roll parce qu’on a pas la culture… On a eu quelques groupes comme Trust, Téléphone, Noir Désir… y’en a quelques uns encore maintenant mais bon, on peut pas se revendiquer d’être rock’n roll, quoi !
Les américains sont rock’n roll parce qu’ils ont écouté la musique des africains, et que le blues s’est électrifié et que les anglais -avant de faire Led Zeppelin ou Pink Floyd etc…- étaient fans de musique noire américaine donc si on peut remercier quelqu’un ; c’est d’abord les blacks et l’Afrique avant tout !
Alors, on écrit de très beaux textes… Mais bon, j’vais dire… bordel que c’est chiant (rire) ! Voilà !
Struck : Mais n’est-ce pas dommage et contradictoire quand on sait qu’il existe une scène métal française underground hyper douée que les étrangers nous envient mais qui ne passera jamais sur la bande FM ?
Zégut : Oui, oui… Reste internet, tu vois ! Voilà, bon, c’est sous-terrain, c’est tout ce que tu veux… mais ça a au moins le mérite d’exister aussi ! Y’aurait pas internet, y’aurait rien du tout, tu vois ?
Struck : Et l’éventuel passage à 60% ?
Zégut : Ah ? Ch’uis pas au courant… J’m’en fous à partir de 22h…
Struck : … Justement concernant la programmation : est-ce qu’on t’impose certaines choses : dois-tu te plier à ce quota ?
Zégut : A 40% ? Ecoute, on en passe pendant la première demi-heure parce que les quotas c’est jusqu’à 22h30… Et après, on en passe de temps en temps, j’veux dire c’est un pas black out total sur les français, quoi, hein !
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Struck : Et comment fais-tu la programmation de Pop Rock Station et faire en sorte qu’elle se renouvelle ?
Zégut : Ecoute c’est une forme de consensus entre les golds de RTL2 mais pas forcément ceux qui passent la journée etc…
Struck : Donc plutôt 70’s/80’s ?
Zégut : 70, 80,… 60 aussi, on passe du Beatles et du Stone tu vois !
L’essentiel dans une prog est de ne faire fuir personne, c’est d’attiser en même temps, la curiosité et en même temps, d’être rassurant…
Donc, tu peux passer un Depeche Mode et un Rolling Stone et entre ça, faire découvrir quelque chose de différent sans faire fuir ceux qui sont juste à côté qui regardent « Ah putain, ça faisait longtemps que j’avais pas écouté un Stone ou machin ! ». Et là, tu leur cases un truc et le mec, il fait « Ah ! ». Ca a duré 4 minutes mais il fait « ‘Tain, c’était quoi le truc/machin ? » et en règle générale, le lendemain, j’ai des mails « T’as passé quoi entre ça et ça ? »….
Bon, voilà, c’est un peu une alchimie quoi ! On n’est pas là pour faire de l’underground et passer 100% de nouveautés. On n’est pas là pour faire du classic rock. J’veux dire entre 60 et maintenant, entre un Metallica « Ride The Lightning » et un Sigur Ros, voilà, y’a de quoi faire, tout en mettant des points de repère !
Struck : Quel but poursuis-tu en tant que programmateur ?
Zégut : Mon but c’est ou j’vais passer un truc qui va plaire à 500.000 ou j’vais passer un truc à une personne à qui ça va faire plaisir et voilà, ma mission est remplie !
Struck : Le maître mot est de faire plaisir !
Zégut : Oui, oui…
Struck : Comment vis-tu le fait d’être reconnu comme la « référence » en terme de programmation rock sur la bande FM actuelle ?
Zégut : Oh ça, c’est un peu difficile… J’pense y’en a d’autres quand t’écoutes Nova ou quand t’écoutes FIP, outre le fait que ce soit pas tout à fait rock, en tous les cas, y’a une forme de qualité de programmation dans ces radios quoi !
Ici… euh, Europe 2, Oui FM, les choses sont faites différemment quoi… même sur TSF que j’écoute de temps en temps ! Voilà, moi, c’est un peu pour voyager, un peu pour écouter des choses différentes, d’aller sur le net et d’aller écouter des webradios… C’est un mélange de tout ça !
Etre reconnu, pas reconnu… (pas convaincu)… La plus belle des récompenses, c’est quand tu sors dehors ou quand je me ballade chez Virgin où j’rencontre quelqu’un qui me dit « Ah putain, t’as passé Satriani en 85, c’est ça qui m’a donné envie de faire de la guitare ! ». Bon, quand le mec vient te dire ça 20 ans après, c’est la plus belle des récompenses !
Et que quand j’suis au Virgin « L’autre fois, t’as passé un truc… Putain, machin etc… ». Ca m’est arrivé plusieurs fois, ch’uis allé dans le rayon, j’ai pris le truc puis, j’lui ai donné et j’lui ai dis « C’est ça que j’ai passé l’autre fois ! » et le mec fait « Merci, c’était vachement bien ! » et c’est tout, la reconnaissance, les lauriers, les couronnes… (l’air de dire « on s’en fout ! »)
Struck : La tranche horaire 22h-minuit : c’est un choix ? Et si oui pourquoi ?
Zégut : Euh, c’est un choix oui quelque part en ce qui concerne de bosser en soirée et de pouvoir passer la musique qui me correspond tout simplement. C’est vrai que j’ai eu d’autres propositions -quand j’étais sur RTL- de faire l’après-midi, pour faire autre chose…
Et puis voilà, j’me sens bien là où je suis quoi ! J’ai pas envie de faire le matin, j’ai pas envie de faire l’après-midi, tu vois ? J’suis bien là où je suis !
Struck : Tu travailles sur RTL2 en raison de son profil de radio pop/rock ? Pourrais-tu travailler pour n’importe quelle radio ?
Zégut : Ecoute là pour l’instant, c’est ça ! J’crois que -quand j’suis passé en 2000 de RTL à RTL2- déjà sur RTL, ils avaient une stratégie de mettre du sport le soir. Donc j’avais plus lieu d’être… donc c’est compréhensible ! Et ici, on m’a dit « Ouais, c’est un junk-box, il faut quelqu’un pour incarner un peu l’histoire ! ».
Donc, voilà, en même temps, j’ai jamais fait de FM, c’était un challenge pour moi que j’ai accepté et puis, voilà, pour faire quelque chose de différent pour avancer un petit peu quoi !
Struck : L’émission télé que tu fais : c’est la rançon de la gloire ? C’est une fin en soi ?
Zégut : Le « Signé Zégut » ?
Struck : Oui…
Zégut : « Signé Zégut » : j’ai l’impression d’être revenu au début de MCM c’est à dire où j’faisais, j’parlais aux horodateurs, j’faisais des émissions dans les parkings avec des caméras en bois, des micros en pierre… mais en tous les cas, à l’intérieur, on faisait ce qu’on voulait !
Donc, dans « Signé Zégut » outre le fait que j’ai la rédaction totale du truc et que j’peux passer « Let There Be Rock » d’AC/DC comme cette semaine où y’a 5 diffusions par jour multipliées par 15 jours ; ça fait 75 fois « Let There Be Rock », j’passerais Sigur Ros ou des choses… Pour moi, même si ça a lieu tous les 15 jours pour l’instant, c’est vraiment un pied de le faire !
Struck : Ton avis sur le paysage musical actuel notamment français ?
Zégut : Bah le nerf de la guerre, c’est de rester curieux quoi ! C’est ce que je dis à tout le monde ; c’est que si tu veux trouver des choses, tu les trouves quoi !
Si tu veux pas, si ta musique n’est pas… si ta musique ne fait pas partie de toi… Si t’écoutes de la musique parce qu’il faut en écouter, parce que tout le monde en écoute, parce que tu vas en boîte, parce que machin te dit « Wahou, t’as vu ? Euh… Christina Aguilera, elle a montré son cul, elle est blonde, machin et tout… ». Bon, bah, écoute on n’a peut-être pas besoin de plus à ce moment-là quoi ?
Si la musique fait vraiment partie de ta vie, euh, bah, t’as besoin d’aller gratter, comme t’as besoin d’aller rencontrer les gens, de discuter avec eux, d’aller lire des bouquins, de t’asseoir dans un coin de temps en temps et de réfléchir… ta vie, la vie des autres et voilà !
Tant que ça fait partie d’un tout, une partie intégrante mais si tu veux trouver de la musique, t’en trouves !
Mais il faut aller acheter dans des boutiques, y’a des disquaires qui vendent des disques d’occas’ des années 60/70 où tu peux aller gratter, tu deviens pote avec le mec et puis, tu demandes des conseils… En règle général, le mec-là, c’est un mec qui aime la musique aussi donc il saura te conseiller ! Y’a des rayons import au Virgin ou à la Fnac et y’a internet ! Donc y’a de quoi aller faire son marché !
Struck : Qu’est-ce qui t’énerves le plus dans le paysage musical français actuel ?
Zégut : Bah euh… ce qu’on tourne en rond avec les 30 mêmes disques !
Struck : L’évolution de la bande FM où tout est formaté actuellement ; n’est-ce pas dommage avec tout ce qui a été fait au début des années 80 avec les radios pirates ?
Zégut : Oui mais euh… tout en est très… J’pense que ça a été rattrapé par le commerçant -entre guillemet- comme beaucoup de choses où on fait du marketing par rapport à un produit. Voilà, on change d’emballage, on met « nouveau » dessus, on prend une campagne ; ça s’appelle du marketing et on en revend derrière !
On est arrivé un peu à ça, un peu partout mais dans les maisons de disques, c’est pareil… En radio, voilà, c’est pareil…
C’est vrai qu’on a perdu cette effervescence des débuts de la FM qui était une grosse curiosité, où tout le monde faisait un peu tout et n’importe quoi. Ca s’est structuré : y’a eu des regroupements de « J’te rachète ci, tu deviens ci, tu deviens ça aussi…. » ! Donc voilà, on va au bout du processus commerçant ! Donc effectivement, c’est bien dommage et quand on fait un petit peu, quand on regarde un peu dans le rétro, on s’aperçoit que là où il y a encore un peu de liberté, c’est sur Inter avec Lenoir, chez Georges Lang sur RTL et nous un peu le soir…
Et nous, on est avec des mecs qui ont plus de 50 ans sur l’histoire mais c’est vrai que la FM -autant elle a révélé des animateurs de shows comme Cauet, comme Arthur, comme Nagui etc…- elle n’a pas révélé d’animateur musical avec une culture musicale ; y’en a eu aucun, malheureusement ! Malheureusement parce qu’on a formaté la FM à tel point que faut parler sur les intros, faut parler en 15 secondes, répéter 3/4 fois le nom de la radio et même si, le mec, il a une culture musicale, il peut pas s’exprimer !
Alors c’est vrai, quand t’as rien à dire, moi, on m’a toujours dit « Quand t’as rien à dire : tu fermes ta gueule et t’enchaînes 4 disques et ça sera beaucoup mieux ! ».
Si tu as un discours pendant 30 secondes-45 secondes sur un morceau, c’est que le mec il est… bon… va trouver comment l’amener avec un peu d’humour et la pirouette pour sortir… bah, si il est capable de faire ça : il faut le laisser faire ça !
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Struck : La diffusion d’un titre dans son intégralité est devenue assez rare et tu es un des rares à le faire : tu ne trouves pas dommage qu’on en soit arrivé là ; encenser ceux qui le font alors que c’est censé être normal par respect pour l’artiste ?
Zégut : Bah ouais, mais c’est comme les –ce qu’on appelle- les compactés sur les FM c’est à dire on met ça à 2’30’’ mais ça c’est, c’est un problème technique d’ouverture de fenêtre pour caler entre le national et le régional ; ça c’est vraiment du technique, quoi !
C’est vrai que bon… de passer… si, remarque, sur RTL2 on passe « Stairway to Heaven » même en journée, on passe « Riders On the Storm » des Doors, y’en a quand même quelque uns comme ça qui passent mais on va peut-être y revenir vu que les maisons de disques ont incorporé une augmentation sur les droits d’auteur que les radios doivent payer aux maisons de disques. Pourquoi pas faire une émission qu’avec des morceaux de 10 minutes, tu vois ?
Struck : A ce titre, ne penses-tu pas être si bien perçu dans le sens où tu sembles vouloir faire partager ta musique plutôt que de nous noyer dans le bruit commercial ? En gros, les stations radios n’ont-elles pas perdu leurs éventuelles vocations culturelles en éduquant l’auditeur plutôt qu’économique ?
Zégut : On entend des fois ; un auditeur, ça s’éduque pas alors c’est prendre les gens pour des cons déjà à la base !
Struck : De vouloir les éduquer ?
Zégut : Non, non, non… de dire, d’avoir un discours comme ça quoi !
Des fois, de temps en temps, on te dit « ouais, mais moi, j’aime telle musique ! »… Bon, ben, on va leur donner telle musique ! Bon, euh, c’est vrai que si tu prends une masse et si tu réagis en tant que commerçant : oui, tu vois !
C’est comme tu vas acheter de la lessive et en même temps, tu entres dans une putain de boulangerie qui est pas dans le supermarché pour t’acheter une bonne baguette ou un… Bon, j’crois qu’il doit y avoir les deux quoi ! Tu vois, y doit y avoir la radio qu’on entend et la radio qu’on écoute, voilà !
Entendre : c’est la journée : t’as un truc qui passe qui fait plaisir ; c’est le nouveau machin, tu peux te concentrer sur autre chose, tu mets pas trop fort etc… Et puis, la radio que tu entends y’a aussi des horaires pour ça…
C’est que la nuit, la perception est différente et que la même personne, la journée est pas la même à partir de 20h. Alors ou tu finis ta journée de boulot, t’en as plein de cul, tu regardes le 20h, tu bouffes, tu laisses la télé dérouler, machin, etc… De venir écouter la radio à cette heure-là, c’est une vraie démarche ! C’est un vraie démarche de venir écouter tu vois ? Et j’crois qu’il faut les deux tout simplement !
Struck : Si je te dis rock prog tu me réponds ?
Zégut : Ah bah, j’te réponds Pink Floyd ou départ, voilà !
Struck : Et métal prog ?
Zégut : Dream Theater même si j’les trouve…
Struck : Que ça a changé !
Zégut : Ouais, ça a changé ! Des morceaux de 23 minutes, machin etc… qui veulent rien dire ! Y’a un truc que j’adorais et qu’on a passé beaucoup qui s’appelle Pure Reason Revolution : extraordinaire parce qu’il y a du prog en même temps, y’a de la modernité, y’avait des harmonies vocales du Beach Boys de temps en temps… Pour moi, ça a été une grosse révélation, ça !
Struck : Tu as également passé du Porcupine Tree…
Zégut : J’ai passé du Porcupine Tree, j’ai passé de l’Oceansize, j’en ai passé 2-3 de temps en temps mais bon, j’passe pas du prog pour passer du prog ! Il faut que –tu vois- c’est comme tout quoi ! Voilà, il faut que ça me cause !
Struck : Et enfin death prog ?
Zégut : …
Struck : Ca te parle pas du tout ?
Zégut : Non…
Struck : Opeth ?
Zégut : Oui… J’connais de nom, ouais !
Struck : Que penses-tu des reformations de groupes mythiques : le dernier en date étant les Eagles ?
Zégut : Les Eagles, Police, Genesis… Ben Harper dit –on l’a interviewé y’a pas longtemps- « Temps que t’as du plaisir de monter sur scène même si t’as 80 balais, il faut y aller ! »… Alors j’pense que c’est une vérité pour un musicien euh… après quand les reformations sont dignes de ce nom, j’veux bien… J’ai été voir Genesis ; j’ai trouvé ça formidable au Parc des Princes, et dans la set-list et dans le décor et la qualité musicale…
Struck : La lumière…
Zégut : …Lumière… J’ai trouvé ça vraiment très très bien !
Euh Police, j’suis pas allé, j’voulais pas y aller et bon ; Tom (NDStruck : Thomas Corveste) -qui est fan et qui n’avait jamais vu- a bien aimé, moi, j’ai d’autres personnes qui m’ont dit « Bon, c’était un peu à la pièce, ils ont fait le minimum, machin etc… »
Thomas Corveste : C’est poussif… Ouais, j’ai bien aimé parce que voilà, j’aime bien Police…
Struck : C’était à voir…
Thomas : C’était à voir une fois, quoi !
Zégut : Voilà, en même temps, y’a des histoires de gros sous ; faut pas se cacher et se leurrer…
Struck : Quoique Police a annoncé reverser une partie des fonds à des associations…
Zégut : Ouais, ouais, ouais (pas convaincu)… Bah tant mieux, écoute hein ! Si c’est vraiment le cas, bravo quoi ! Non, mais il faut de tout quoi ; c’est vrai que quand t’as des reformations comme ça, ça bouffe l’espace de tout le monde quoi ! Puisque tout le monde ne parle plus que de ça, tu vois !
Struck : Que voulais-tu faire quand tu étais gamin ?
Zégut : Euh… Pilote moto ouais… Avant de, avant de commencer RTL… Attends, j’ai eu une moto, la première en 71 et j’devais faire une course pour une petite écurie en France et j’me suis planté la gueule avant de faire la course et j’ai jamais pu la faire donc c’était mon rêve ça, ouais !
Struck : Tu n’aurais pas voulu être musicien ? Justement dans chaque animateur radio ne sommeille t’il pas un musicien…
Zégut : … oui un musicien refoulé, oui, bien sûr ! Oui, oui, oui, guitariste, oui, oui, oui, quand j’vois Angus Young ; j’me dis que j’aurais bien aimé être Angus Young, voilà !
Struck : Es-tu fier de ce que tu devenu ?
Zégut : Bah, écoute, j’suis heureux parce que j’ai jusqu’à présent, j’me suis jamais levé en m’disant que j’allais travailler ! Donc, voilà, d’une passion qui a été un refuge avec une enfance, une adolescence assez terrible où j’ai cultivé ça sans savoir ce que j’allais en faire…
Et d’avoir été standardiste et la création de WRTL à la fin des années 70 qui était une enclave rock de RTL et d’avoir rencontré Hebey à cette époque-là et de m’avoir donné une chance de faire une maquette qui était « Wango Tango » déjà à l’époque.
Donc, voilà, quoi, c’est pas que j’suis fier quoi mais j’souhaite ça à tout le monde à travers plein de choses c’est à dire si t’as de l’or dans les mains, si t’es cuistot, ébéniste ou mécanicien, si tu te lèves la matin en disant que tu vas pas bosser alors que tu y vas et que t’es capable de passer des week-ends et des heures sur place à bosser etc… en oubliant ta vie privée et beaucoup de choses… euh, voilà, j’suis content de ça quoi !
Struck : Quel est ton meilleur souvenir professionnel ?
Zégut : … Meilleur souvenir professionnel ? Je sais pas ; y’en a tellement ! Y’a pas très longtemps… Euh attend c’était y’a 3 ans-4 ans, j’ai rencontré Jimmy Page pour la première fois qui sortait déjà un coffret à l’époque, donc, voilà quoi !
Ma première copine qui s’appelait Marie Noëlle –c’était en 68- j’écoutais toujours le premier album de Led Zep… Donc, pour moi, c’était –tu vois- connoter en même temps ado, première expérience amoureuse et puis après avoir aimé ce groupe comme je l’ai aimé et comme je l’aime encore d’ailleurs et de rencontrer Jimmy Page… ça m’a fait vraiment bizarre !
Y’en a d’autres, tu vois, la première fois que j’ai rencontré AC/DC, pareil, Motörhead, Ben Harper… enfin, bon, y’a plein, plein de souvenirs, plein de trucs comme ça qui m’ont marqué. Mais là…
Struck : Le côté jeune fan est ressorti…
Zégut : Ouais, j’avoue, j’étais un peu comme un môme, tu vois ! Quand j’l’ai rencontré, y’a 4 ans, j’avais un peu l’âge que j’avais quand j’écoutais pour la première fois !
Struck : A l’inverse quel est le plus mauvais souvenir ?
Zégut : Alors le plus mauvais, j’crois que c’est une interview euh avec Joe Jackson. Un soir, on l’invite pour un album et il a pas décroché un mot de l’interview pendant une demi-heure et au bout d’une demi-heure, j’lui ai dis « Bah écoute, t’as rien à dire ? », bah il me fait « Non machin etc… » bah j’lui ai dis « Tu peux sortir ! » Voilà !
Struck : Mauvais souvenir mais bon, se permettre de dire ça à Joe Jackson !
Zégut : Ouais mais attend, tu viens pour une interview, à un moment bon, ou t’es mal luné, ch’ais pas trop quoi… ou t’as pas envie d’être là mais tu décroches 2-3 mots, quoi !
Struck : Ou tu la fais pas !
Zégut : Ou tu la fais pas !
Struck : Quel est ton rêve professionnellement parlant ?
Zégut : Mon rêve là ? Etre au bord de la mer, regarder la mer et faire de la radio en regardant la mer d’une manière ou d’une autre…
Struck : Question « Lost » : ton avion s’écrase sur une île déserte mais le réalisateur est sympa il te laisse 5 albums dans ta valise lesquels choisis-tu ?
Zégut : Alors, ouais, attend, y’a le 4e Led Zeppelin, y’a « Ok Computer » de Radiohead, euh… « Grace » de Jeff Buckley, le double blanc des Beatles et « Powerage » d’AC/DC…
Struck : Quel titre/album te flatte les cages à miel ces derniers temps pour rependre ton expression ?
Zégut : Alors, j’écoute beaucoup The Verve en ce moment, ils se sont reformés mais j’adore Richard Ashcroft déjà en solo donc voilà quoi !
Qu’est-ce que j’écoutais ? La petite nana (il demande à Thomas Corveste)… Fine Frenzy qui est une petite nana de Seattle, un p’tit peu Tori Amos, un p’tit peu joue du piano : extraordinaire !
Struck : A l’inverse, quel est le titre et/ou album que tu écoutes sous le manteau par honte de dire que tu l’écoutes ?
Zégut : Oh mais je… ma femme écoute beaucoup Marc Lavoine donc je subis Marc Lavoine ! Non mais bon, j’plaisante hein : chacun, son sale goût comme on dit ! Non mais c’est vrai quoi !
Thomas Corveste : Sardou ? (Rire)
Zégut : Non j’écoute pas Sardou (Rire). J’ai écouté le nouveau Johnny Halliday tout à l’heure, ch’ais pas où il est (il fouille sur son bureau) ? Ouais, y’a un titre avec Bono… Ouais, enfin, une chanson de Bono… Ch’ais plus où j’l’ai foutu, voilà !
Non, non mais bon, après, y’a pas de honte à écouter des trucs, hein !
Euh, ch’uis chez moi, des fois, t’accroches 2-3 notes… Des fois, j’chante du Carlos quoi, tu vois ! Voilà !
Struck : Peux-tu nous raconter la journée type de Francis Zegut ?
Zégut : Et ben, là, ch’uis venu un peu tôt parce que nous avions rendu sans ça ; j’fais ma prog, après, j’repars chez moi, j’vais chercher ma fille, j’mange avec ma fille, j’reviens, voilà et on fait l’émission de 22h à minuit, quoi !
Struck : Justement tu parles de ce rendez-vous qui t’a fait venir plus tôt : pourquoi as-tu si gentiment accepté de recevoir Music Waves ?
Zégut : Bah, j’trouve ça normal ! Des fois, des gars appellent pour assister à l’émission, j’le faisais du temps de « Wango ». Bah, j’trouve ça normal !
Bon, ces histoires de frontières un peu électriques où les mondes n’ont pas à se rencontrer, tu vois… ou mettre des barrières ; ch’ais pas ! Alors qu’on a internet et qu’on arrive à discuter tous ensemble, tu vois ? C’est con !
Struck : Le mot de la fin As-tu quelques mots à dire à nos lecteurs ?
Zégut : J’ai une phrase, j’la ressors tout le temps « La musique, c’est comme la vie : ça se respire ! ».
C’est sur ces belles paroles que se terminent cette passionnante rencontre qui se prolonge par la visite des studios de RTL 2 dans lesquels Francis Zégut enregistre Pop Rock Station tous les soirs de 22h à minuit (comme en témoigne cette photo avec de droite à gauche, Thomas Corveste producteur de Pop Rock Station, Maiween Legoff, réalisatrice de l’émission et Francis Zégut).
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