Je ne vous apprendrais rien en vous disant que l’industrie du disque va mal. Pour autant, ne comptez pas sur moi pour plaindre les acteurs d’un système qui ont bénéficié pendant plus d’une décennie d’une croissance extraordinaire couplée à des taux de marge comparables à ceux des startups de la bulle Internet. Si aujourd’hui cette industrie va mal, c’est surtout de ne pas avoir su se remettre en question et devancer l’inévitable situation actuelle. A ce titre, une citation fort connue résume très bien cet état de fait : « qui sème le vent, récolte la tempête » et ce n’est pas les chasses aux sorcières menées par les gentils labels contre les méchants internautes téléchargeurs illégaux ou plus récemment, contre les vils magazines de chroniques responsables de la diffusion gratuite à la Terre entière de cds promotionnels qui vont y changer quelque chose ! Non définitivement, ne comptez pas sur moi pour plaindre ceux qui ont connu l’opulence et qui roulent aujourd’hui sur l’or après des années de profits hallucinants réalisés au détriment des auditeurs que nous sommes et accessoirement l’artiste !
Outre le fait que ce préambule mette en évidence ma subjectivité manifeste en raison de mon appartenance au clan des méchants chroniqueurs, on constate que quelque soit la raison, la période, le grand perdant dans cette histoire a toujours été l’artiste qui a d’abord payé le lourd tribut du trust de quelques magnas de l’industrie du disque et maintenant de la révolution Internet au point que, hormis quelques habitués des hit-parades, la sortie d’un album a perdu toute connotation commerciale pour devenir un témoignage de vie, une invite faîte aux fans pour venir les supporter sur scène. A ce jour, le seul réel moyen de subsistance pour un musicien lambda est le concert : alors, si vous en aimez un, si vous voulez qu’il continue à vous enchanter par son art, allez le voir au concert !
Il en ressort que toucher à cette dernière source de revenu consiste à lui couper les vivres et donc tuer sa créativité qu’il risquera de mettre à profit dans des secteurs plus « rentables » que la musique. A ce titre, la dernière annulation du festival Furia Off et la dernière pétition visant à annuler le Hellfest sont de véritables menaces artistiques ! Si n’importe qui peut comprendre le motif justifié de la gène acoustique occasionnée par un festival comme le Hellfest, on reste malgré tout dubitatif sur ceux avancés dans les deux cas qui nous intéressent tant ils sont ridiculement risibles (pour ne pas en pleurer) ! Alors que le Furia Off réunissant Hacride, Watcha et Sidilarsen a été purement et simplement annulé par la commune de Châteaudun par crainte de « débordements » des spectateurs le jour même où se déroulait un mariage turc à proximité, le festival Hellfest fait l’objet d’une pétition pour « garantir la sauvegarde de l’ordre public » à une époque où « se multiplient les profanations de cimetières, les délits à références nazies… » !
Une nouvelle chasse aux sorcières dont on croyait l’époque révolue !
On se croirait revenu quelques siècles en arrière et au train où vont les choses, il est fort à parier qu’à l’heure où vous lirez ces quelques lignes, les auteurs de ladite pétition chercheront à rallier à leur cause les habitants de Gerardmer dans le but de suspendre le festival qui s’y tient en réclamant la mise au bûcher des suppôts de Satan que sont George A. Romero, John Carpenter voire Rob Zombie. Comme on peut le voir, les clichés ont la peau dure : les fans de métal sont perçus comme des chevelus tout de noir vêtus glorifiant Satan avec une nouveauté toutefois : la xénophobie qui était épargnée à cette communauté… Mais pendant que nous y sommes : les amateurs de reggae sont des rastamen aux rares neurones ravagés par une consommation excessive de cannabis, ceux de rap, des jeunes de banlieues qui dealent à longueur de journée quand ils ne volent pas ou ne braquent pas des commerces ! Soit, mais alors, que dire des férus de chansons françaises… des Teletubbies malentendants aux capacités cognitives ultra limitées ?
Plus sérieusement, il est regrettable qu’en ce siècle de communication -certes biaisé par des médias condescendants- de telles idées rétrogrades et intolérantes circulent encore ! Aux responsables de cette fameuse pétition, je conseillerais vivement le visionnage du documentaire « Fous de métal en campagne » sur le Wacken Open Air, grand frère allemand du Hellfest. Ils verront dans ce film de Suzy Wong -récompensé à Sarrebrück en 2007 par le Prix Max-Ophüls- que tous les habitants de la bourgade de Wacken sont ravis de la présence d’un tel événement depuis 1990 dans leur ville, au premier rang desquels on trouve les commerçants qui se frottent les mains d’une telle manne financière. Enfin, pour les quelques rares réfractaires, ces quelques jours -certes bruyants- sont l’occasion rêvée de rendre visite à des parents ou amis trop longtemps oubliés l’instant d’un week-end prolongé ! Très honnêtement, une telle affiche est une fête qui est l’occasion rêvée de redynamiser des villes provinciales à l’économie vacillante ! Ce n’est donc pas par hasard que la mairie de Clisson accueille le Hellfest depuis 2006 : elle a très rapidement compris qu’elle avait tout à gagner à travailler en bonne intelligence avec les organisateurs d’un tel festival tant les retombées positives sont multiples que ce soit d’un point de vue financier, de la communication ou touristique…
Pour toutes ces raisons, je ne me fais pas trop de soucis pour le maintien du Hellfest : ces nouvelles chasses aux sorcières aussi injustifiées que ridicules ne sont le fruit que d’une frange de censeurs rétrogrades contre lesquels nous nous devons de lutter ! Dans le cas contraire, on pourrait bientôt voir pulluler des pétitions visant tout bonnement à bannir toute fête par définition rattachée à un des sept pêchés capitaux ! A ce train et si on n’y prend pas garde, se pourrait-il que nous ayons observé la dernière édition du festival de Cannes en raison de son indécente et condamnable apologie de la luxure ?
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