Salut c’est Ping Ping de Music Waves, tu me remets ?
Je ne me souviens plus de ton nom là, mais je suis sûr à voir ta tête que tu es quelqu’un de sympa.
Peux-tu te présenter aux lecteurs de Music Waves ?
Je suis compositeur et producteur. Ma principale profession est d’être bassiste du groupe suédois rock progressif, The Flower Kings. Mon groupe Karmakanic a beaucoup plus un côté spectacle musical. Toutes les fois que j’en ai le temps, je me dévoue au groupe qui consiste en un noyau comprenant Göran Edman au chant, Krister Jonsson à la guitare, Lalle Larsson au clavier et Zoltan Csörsz à la batterie et moi-même à la basse.
« Karmakanic » est un groupe principal avec des invités qui viennent et qui vont. Les invités sur le dernier album « Who’s the Boss in the Factory » sont des musiciens renommés comme mon collègue de Flower Kings Tomas Bodin au clavier, Andy Tillison de The Tangent à l’organe Hammond, l’accordéoniste Lelo Nika qui a travaillé avec le pianiste de jazz Joe Zawinul et le saxophoniste tenor Theo Travis dont le cv comporte des collaborations avec des artistes renommés comme Robert Fripp, Gong et Soft Machine. Cette liste indique que Karmakanic couvre consciemment un large panel de styles sur « Who’s the Boss in the Factory ». En fait, je décrirais cet album comme un album de rock progressif traditionnel et classique avec de la fusion et du jazz.
En live, nous sortons ces parties et donnons aux soli plus de place. Je crois que nous avons certains des meilleurs musiciens, donc ça serait une honte de ne pas les laisser briller.
Karmakanic s’est formé en 1999. J’ai écris quelques chansons sur Internet et l’espace cybernétique. J’avais travaillé avec Göran Edman à plusieurs occasions avant, donc Edman était le choix naturel en tant que chanteur.
Les parties se sont développées dans le concept-album « Entering the Spectra » et Karmakanic était né.
Nous avons enregistré l’album en 2000 et 2001 avec l’ancien membre de Flower Kings, Jaime Salazar à la batterie. « Entering the Spectra » est sorti en 2002 et 2004 a vu Karmakanic s’embarquer dans une petite tournée européenne pour promouvoir l’album suivant « Wheel of Life ».
Le nouveau batteur Zoltan Csörsz avait travaillé avec moi pendant des années dans The Flower Kings, The Tangent etc. Donc, il est apparu comme un choix évident comme membre régulier de Karmakanic.
Et aujourd’hui, « Who’s the Boss in the Factory », le troisième album du groupe et le plus diversifié à ce jour, vient de sortir. Le cd a été enregistré dans mes propres studios, Reingold Recording et mixé au Pama Records, Cosmic Lodge et Reingold Recording.
Peux-tu nous donner la signification du nom du groupe ?
Il est issu d’un jeu, en fait. Je suis vraiment mauvais dans le choix de nom de groupe. Donc, il y avait une compétition sur Internet, j’ai eu environ deux cent noms différents et j’ai pris les dix meilleurs. Plus tard, je suis allé voir des amis et leur ai demandé quel nom ils aimaient le plus et Karmakanic a gagné.
Si tu devais définir ta musique, comment la définirais-tu et à qui est-elle destinée ?
Elle est pour les gens qui aiment la musique qui soit un peu stimulante avec une production forte et attentive aux détails. Je dirais c’est un peu de Yes et Genesis mais aussi de King Crimson et Pat Metheny group. Certains diront même que certaines parties sonnent comme Jackson Brown ou Tom Petty.
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Ton actualité est donc la sortie du nouvel album « Who’s the Boss in the Factory » : peux-tu nous parler de cet album ?
Il y a un titre de rock symphonique de vingt minutes « Send a Message From the Heart » qui pourrait être difficile de surpasser en termes d’imagination. J’ai travaillé avec trois différents thèmes à travers la chanson. J’ai utilisé les thèmes dans différentes clés, modes, signatures temporelles. Le contexte des paroles est une élévation, genre San Francisco, ensoleillé, son message est que c’est mieux de parler avec son cœur plutôt que ton esprit. Donc, j’ai demandé à mon fils, Alex de commencer ce cd. Il chante le premier couplet. Je pense que le contexte des paroles devient encore plus clair quand il est chanté par un gamin de cinq ans. Il m’a aidé dans l’écriture des paroles. Ces dernières parlent de paix, de compassion, d’empathie, et quand un enfant chante ça, ce ne sonne pas cliché, c’est juste pur et fort…
« Eternally » est un titre à peine moins impressionnant, découpé en deux parties et dédié à mes parents qui sont morts l’an dernier, un peu avant Nöel dans un tragique accident de voiture.
J’ai utilisé de vrais instruments à corde sur ce titre pour augmenter les émotions, et Lelo Nika joue un superbe solo d’accordéon. C’est un vrai génie, clouant impeccablement la vibration sur cette chanson. Je parle du début et de la fin du cd, le reste doit être comblé par l’auditeur.
Quel est le sujet de ce nouvel album ? La signification du titre : est-ce une métaphore pour décrire ou dénoncer la situation économique et libérale due à la mondialisation ?
L’idée de la chanson elle-même vient d’un cas bien connu aux Etats-Unis. Il y avait ce mec noir qui a été condamné à mort à cause du meurtre qu’il avait commis dans sa jeunesse. Plusieurs années plus tard, il était devenu une personne totalement différente et était en partie réhabilité. Le Gouverneur pouvait le pardonner mais il ne l’a pas fait.
Donc, moi et Inger (NdStruck : Inger Ohlén) avons eu l’idée d’écrire une histoire à propos du patron dans l’entreprise. Peu importe si tu as raison ou bien tort, la seule chose qui importe est « Qui est le patron dans l’entreprise ».
Pense à ça, tu as le pouvoir de pardonner un homme et lui éviter une condamnation à mort juste en signant un papier. Mais tu décides de ne pas le faire. Le patron dans l’entreprise est le mec avec le stylo.
Quelles sont tes sources d’inspiration en général ? Et en particulier « Let In Hollywood » qui sonne comme « Superstition » de Stevie Wonder ou Manfred Mann’s Earth Band…
Et bien, « Superstition », je ne sais pas. Je pensais juste qu’après une ouverture comme « Send a Message From the Heart », l’album avait besoin de quelque chose de facile et court, quelque chose qui était pressé que les choses soient dites. « Let in Hollywood » est une petite mélodie marrante et catchy à propos d’un groupe allant aux USA à la recherche d’un contrat avec un label. Ils ont été rejetés parce qu’ils jouent en 7/8.
Que penses-tu de cette phrase de notre chroniqueur qui dit que « Send a Message From the Heart » est une variation sur le thème de Jonas Reingold ?
« Send a Message From the Heart » est construit autour de trois différents thèmes. Je crois que si tu mets trop d’informations dans une composition, elle ne sera pas cohérente et facile à suivre. Plusieurs groupes de rock progressif ont tendance à faire ça. Si tu regardes les maîtres de la composition que sont Richard Strauss, Bach etc. ils travaillent avec quelques thèmes sélectionnés d’un bout à l’autre de la composition.
D’où te vient cette imagination pour créer de tels projets et histoires ?
Ca peut être n’importe quoi, un film, une conversation, un autre morceau de musique que j’ai écouté. Mais l’inspiration est le mot des paresseux. Je vais à mon boulot tous les matins en composant que je sois inspiré ou non.
Quand on écoute le dernier « Who’s the Boss in the Factory » : il semble que Karmakanic ait atteint une maturité artistique au-delà du seul side-project ?
J’espère que c’est une bonne musique. Je n’ai jamais pensé en termes de side-projects ou non. J’ai juste essayé de faire la bonne musique possible. Je suis à 100% impliqué quand je travaille que ce soit sur Karmakanic, The Flower Kings etc.
A l’écoute de la qualité de ce nouvel album, nos chroniqueurs se demandent pourquoi tu ne fais pas plus d’albums avec Karmakanic ? Est-ce que le groupe restera un projet entre The Flower Kings et The Tangent ?
Honnêtement, je n’ai pas eu le temps de produire des albums de Karmakanic dans un rythme plus soutenu. Je suis si occupé avec d’autres groupes et les tournées etc. Mais la vie est un peu plus facile maintenant que je ne suis plus membre de The Tangent. Heureusement, je peux donner plus de temps à Karmakanic.
Comment as-tu composé « Eternaly Part 1 and 2 » : est-ce une sorte d’hommage ou de traitement ?
Quand j’ai composé « Eternally Pt 2 », j’ai presque su immédiatement que j’aurais quelqu’un qui jouerait de l’accordéon, de préférence quelqu’un qui pourrait jouer dans la tradition tsigane. J’ai demandé à Zoltan -parce qu’il est à moitié tsigane- si il connaissait quelqu’un qui pourrait remplir les conditions de la chanson. Il m’a dit qu’il connaissait un mec qui jouait très bien de l’accordéon et qu’il venait juste de faire une tournée avec le magicien du clavier, le légendaire Joe Zawinul.
C’est vraiment une expérience surréaliste d’avoir Lelo dans le studio. A peine arrivé, il a demandé : « Où veux-tu que j’aille ? », je lui ai montré la salle d’enregistrement et il a sorti son accordéon. Il a commencé à jouer quand je posais les micros et c’était une pure magie qui remplissait la pièce. Je suis allé dans la pièce de contrôle où un étudiant ingénieur était assis et sa mâchoire est tombée quand il a entendu ce que faisait Lelo. Il était lui-même un peu joueur d’accordéon. J’ai demandé à Lelo si il voulait écouter la chanson avant que nous commencions l’enregistrement mais il m’a seulement répondu : « Appuie sur le bouton rouge. Allons-y. ».
Je me suis seulement dis à moi-même : « Ok, plus grande est la fierté, plus grande est la chute ! Voyons s’il peut assurer ! » Et il a pu. Les trois minutes suivantes étaient simplement étonnantes. C’était la meilleure prestation que je n’ai jamais pu avoir dans mon studio. C’était comme si j’étais Salieri et Lelo était Mozart. Il nous a juste cloué, les émotions, les accords, il a joué merveilleusement les longues lignes lentes, rapidement et furieusement en place, simplement incroyable. Après la prise, il a collé son visage contre la porte et a dit : « Si tu es content, je suis content ». Content ? C’était le meilleur de putain de morceau de musique que je n’ai jamais entendu.
Immédiatement après sa prise, il a décollé et m’a laissé, moi et l’étudiant, seuls dans la salle de contrôle. Il m’a demandé : « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? ». J’ai répondu : « Je ne sais pas mais je pense que c’était super. ».
Tu tombes rarement sur des personnes qui ont tout le package. Le ton parfait, la musicalité, la technique, la compréhension musicale. Mais bien sûr, si tu joues avec Zawinul, tu dois avoir quelqu’un en plus, n’oublies pas Jaco (NdStruck : Jaco Pastorius).
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D’un point de vue musical, c’est à propos de l’éternité.
L’éternité est tout ce qu’il y a. Il n’y a jamais eu de début, ni de fin. Il y a toujours quelque chose avant, avant et il y aura toujours quelque chose après, après.
Je crois que pour la vie, c’est la même chose. Je crois que la vie est éternelle, je crois que toutes les choses qui font que ce que nous appelons l’univers est en fait des petites parties d’un grand corps, l’univers, dieu, une plus haute conscience. Si une petite partie meurt à l’intérieur de ce grand corps, elle ne disparaît pas parce qu’il n’y a nulle part où aller, il n’y a pas rien en dehors de ce corps parce que le corps est tout ce qu’il y a, l’éternité.
Mais pour nous, êtres humains, le concept entier d’éternité est étrange parce qu’il manque tous les dogmes et toutes les perceptions que nous avons, comme la société. Mais c’est incroyable comme nous évitons ce sujet aussi bien d’une perspective politique que religieuse, bien que je crois que ce soit le cœur du problème. Je pense que dans l’humanité actuelle, il y a quelque chose qui manque, une plus grande compréhension de l’éternité, dieu, l’univers. Ce chaînon manquant créé la peur et la peur crée l’avidité, le courroux, la guerre, la pauvreté etc.
A l’écoute de certains titres comme « Eternaly… » justement, on peut penser que tu t’es beaucoup plus impliqué dans le projet Karmakanic que tu ne l’as été dans deux précédents albums . Et-ce le cas ?
J’ai vraiment travaillé dur sur les deux premiers albums. Appelle ça de la maturité, je suppose que j’ai appris aussi : c’est la beauté d’être dans le business. Un cd c’est comme une empreinte au moment où tu le fais. Tu peux presque voyager dans le temps en mettant un album que tu as fait il y a dix ans.
Quel est le but de ta musique et de cet album en particulier ?
De faire la musique la plus honnête et avec le plus d’âme possible. Pour atteindre l’auditeur aussi bien musicalement qu’au niveau des paroles, mais aussi rester la tête hors de l’eau en termes de perspectives financières.
Justement depuis que tu travailles dans le business musical quelle a été l’évolution de ce dernier ? En gros, quel est ton opinion ?
C'est un endroit mystérieux. Tu peux trouver le succès là où la connaissance est proche du zéro. Mais tu peux aussi trouver le succès là où les gens sont très intelligents.
Par exemple, dans le secteur automobile, tu ne trouveras jamais d’entrepôts qui vendent des voitures sans aucune connaissance de voitures. Dans le showbiz, tu peux (Rires) !
A ce titre, quelle est ton opinion sur Internet ? Penses-tu que ce soit une bonne ou une mauvaise chose pour ta musique ?
Je pense qu’Internet a aidé des groupes comme The Flower Kings ou Spocks Beard au milieu des années 90. Ca a créé une plateforme où les gens pouvaient trouver de la nouvelle musique et en discuter.
Actuellement, l’industrie du disque a des problèmes en raison de la baisse des ventes avec le téléchargement illégal. Mais les économies financières pour le consommateur lui permettent de dépenser de l’argent aux concerts.
Je pense vraiment que la musique est un produit que chaque consommateur doit payer d’un moyen ou d’un autre.
Avec tous ses projets, arrives-tu à dormir ou tu prends des substances illicites ? Parce qu’il est humainement impossible de faire ce que tu fais… Peux-tu décrire une journée normale de Jonas Reingold ?
Je me lève vers 9h et je travaille dans mon studio jusqu’à 18h avec mes propres groupes ou d’autres artistes.
Ce n’est pas si difficile en fait, je suis juste bien organisé.
Comment as-tu pu enregistrer toi-même quelques parties de clavier avec tout le travail que tu as déjà fait de mixage ?
C’est toujours de petits détails. Quand je fais le mixage des chansons, je dois penser que le refrain n’arrive pas. Alors je peux ajouter un arpège de synthé ou quelque chose comme ça…
Si tu devais faire choisir un titre pour faire découvrir ta musique à quelqu’un qui ne la connaîtrait pas : quel titre choisirais-tu et pourquoi ?
Je choisirais probablement « Send a Message from the Heart ». Elle a tout ce que j’aime : une bonne musicalité, un grosse production, une bonne écriture musicale, de bons arrangements. J’en suis vraiment fier !
Imaginons que tu sois vendeur : quel argument choisirais-tu pour vendre « Who’s the Boss in the Factory » ?
Je dirais… La musique parle d’elle-même : écoute et apprécie !
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Une question stupide : si tu devais choisir entre faire seulement du rock progressif ou du metal progressif : que choisirais-tu et pourquoi ?
Une question stupide appelle une réponse stupide…. Je dirais que je choisirais de faire la musique classique (Rires) !
Que voulais-tu faire quand tu étais gamin ?
Depuis l’âge de 13 ans, je veux être musicien de rock mais je voulais également être avocat.
Et es-tu fier de ce que tu es devenu ?
Je suis béni, je peux subvenir à mes besoins et ceux de ma famille en faisant ce que j’adore. Je ne vais jamais à mon boulot, je vis juste mes journées de la façon que je voulais les vivre.
Connais-tu des groupes français ?
J’aimais bien Trust quand j’étais gamin. Magma est un groupe cool aussi.
Peux-tu nous dire quelques mots en français ?
(En français dans le texte) « Ensemble c’est tout ».
Est-ce possible de voir tournée Karmakanic en France ?
Je l’espère. Mon vœu est de prendre la route avec le groupe. Il nous faudra attendre et voir.
Si jamais ça ne se fait pas, prévois-tu de sortir un DVD pour contenter ceux qui ne vous verront pas ?
Peut-être dans le futur. Je pense qu’un DVD live pourrait être vraiment cool parce que les membres du groupe sont vraiment dans l’improvisation. La musique pourrait être un peu différente des versions studio.
Question « Lost » : ton avion se crashe sur une île déserte mais le scénariste est sympa, il te laisse prendre cinq albums. Lesquels prends-tu et pourquoi ?
« Shadows And Light » de Joni Mitchell parce qu’il y a des chansons stupéfiantes, un grand sens de la musicalité et bien sûr, Jaco à la basse,
« Dogman » de Kings X parce que c’est simplement un super album de rock’n’roll qui te donne un sérieux coup de pied au cul,
« Also Sprach Zarathustra » de Richard Strauss parce qu’il est le maître des arrangements des cordes,
Le premier album solo de Jaco parce qu’il met vraiment la basse en avant,
« Kiss Alive » parce que ce sont les grands héros de ma jeunesse, ils sont la raison pour laquelle j’ai commencé à jouer.
Avant de se quitter, mon frère Kiku m’a toujours dit de laisser la parole à mon invité, donc acte…
Rester ouverts à de nouvelles musiques, à la compassion, à la paix et l’amour.
Un grand merci à Roger de Replica pour avoir rendu possible cet échange ainsi que Loloceltic, Tonyb, Zoso, Nuno777 et Proggi pour leur participation active.
Plus d'informations sur http://www.reingoldmusic.com/