Bien sûr il y a les tubes et les millions d’albums vendus. Bien sûr il y a le solo de 'Beat It' de Michael Jackson et 'Jump' qui a envahi les stades de foot. Bien sûr il y a les tournées et leurs excès, l’alcool, la drogue, les hôtels saccagés et les filles faciles backstage. Bien sûr il y a les caprices, les fâcheries et les conflits d’ego qui ont stoppé une carrière qui aurait pu briller beaucoup plus longtemps. Bien sûr il y a les albums qui passeront à la postérité ("Van Halen I", "1984") et les ratages (presque) complets ("Van Halen III"). Bien sûr il y a la section rythmique de folie (le frangin Alex Van Halen à la batterie et Michael Anthony à la basse) et les excellents chanteurs (David Lee Roth puis Sammy Hagar) sans qui Van Halen n’aurait jamais été le groupe qu’il a été (oublions pudiquement l’épisode Gary Cherone).
Mais Van Halen, c’était surtout du fun et du rock and roll.
Et c’était Eddie, avant tout.
Rappelons-nous un instant de la déflagration que tous les guitaristes ont ressentie en 1978, à la sortie du tout premier album de Van Halen. Personne n’avait jamais entendu ça. Le hard rock avait déjà ses guitar heroes. Jimmy Page et Ritchie Blackmore avaient déjà largement contribué à donner à la six-cordes ses lettres de noblesse au sein d’un mouvement musical qui drainait toute une jeunesse en manque de décibels. L’espace de quelques années, le punk en général et les Sex Pistols en particulier avaient revendiqué qu’il n’était pas nécessaire de savoir jouer pour faire du rock. Les escrocs. Eddie allait leur montrer qu’on pouvait être rock et fun tout en bossant son instrument comme un acharné.
Non, en 1978, personne n’avait jamais entendu cette façon de jouer, ce niveau de saturation, ce placement rythmique incroyable. Les ados du monde entier ont écouté ‘Eruption’ en boucle, sans rien comprendre à ce qui leur arrivait. A l’époque, Internet bien sûr n’existait pas. En France, un apprenti guitariste avait le choix entre apprendre seul avec "la méthode à Dadi" ou essayer de trouver un prof avec l’assurance de devoir se farcir les premières mesures de ‘Jeux Interdits’ pendant des mois. Et en l’espace d’une minute et 42 secondes, Eddie envoyait valser tous les codes, retournait le cœur et le cerveau des guitaristes du monde entier qui en firent immédiatement leur modèle et leur principale inspiration, et emmenait dans son tourbillon tous les apprentis guitaristes qui s’exclamèrent en cœur : « c’est ça que je veux faire ! ». En une minute et 42 secondes, Eddie entrait dans l’histoire, pour toujours.
Eddie était un chercheur de son, un explorateur de la guitare, un artiste passionné jusqu’à l’obsession par son instrument et par les possibilités musicales infinies qu’il offre. Certes il n’a pas inventé le tapping. Certains jazzmen l’utilisaient déjà depuis longtemps et, dans le rock progressif, Steve Hackett utilisait déjà cette technique depuis 1971 et le titre ‘The Return Of The Giant Hogweed’ sur l’album "Nursery Crime". Mais à ce niveau de saturation, avec la maîtrise et le contrôle du son qu’il nécessite, personne avant Eddie n’en avait jamais exploré toutes les possibilités. ‘Eruption’ a réellement changé à jamais la face du rock et a continué pendant des dizaines d’années à inspirer des musiciens de tout style, jusqu’à Daft Punk et son ‘Aerodynamic’.
Eddie était un artisan, toujours en train de bidouiller un ampli ou de modifier une guitare. Il a été le premier à populariser les micros à double bobinage (les fameux humbuckers) sur des guitares de forme Stratocaster. A l’époque, les humbuckers, c’était Gibson, point barre. Fender, Charvel et Music Man n’ont pas tardé à collaborer avec lui pour développer de nouveaux instruments qui aujourd’hui sont devenus la norme. Il a été le premier à populariser le vibrato flottant (le fameux Floyd Rose). Toutes les générations de shredders qui suivirent firent installer ces vibratos sur leurs guitares. Il a été le premier à populariser le phaser et le flanger, ces effets de modulation responsables du fameux son de Van Halen, ce son organique qui envahit tout l’espace et vous prend aux tripes, comme sur le titre ‘Unchained’.
Et Eddie, c’était aussi une machine à riffs, un compositeur exceptionnel obsédé par le groove et l’efficacité. Car outre sa technique hors du commun, le succès de Van Halen repose aussi sur l’accessibilité des morceaux, sur des titres courts et fun aux riffs percutants et aux solos brefs et incisifs. Inutile de les lister ici, vous les connaissez tous. Et si ce n’est pas le cas, vous pouvez retrouver les chroniques de tous les albums de Van Halen sur Music Waves. Même sur les albums les moins connus du groupe, même sur les albums les moins réussis, le style d’Eddie reste unique et immédiatement reconnaissable. C’est d’abord ça, la marque des plus grands.
Oui Eddie a changé à jamais l’histoire du rock et la façon de jouer de la guitare électrique. C’est presque un lieu commun de le dire. Si le groupe Van Halen est le symbole du hard rock US des années quatre-vingt, l’influence du guitariste Eddie Van Halen va bien au-delà d’une seule décennie. Il restera tout simplement comme l’un des guitaristes les plus influents et les plus respectés de l’histoire de la guitare.
Décidément 2020 nous aura tout fait. Quelle tristesse.
Plus d'informations sur http://www.van-halen.com