La vie c’est avant tout des rencontres. Je suis entré en collision avec la musique de Jeff Beck par l’intermédiaire d’un autre choc monumental “Amused To Death”. Sur ce disque,
Roger Waters avait convié le guitariste afin de souligner son œuvre de traits de guitare fulgurants. C’est ce qui m’a fait fondre lors de l'écoute de la guitare solitaire qui tisse une trame mélodique chatoyante sur ‘The Ballad Of Bill Hubbard’. Il y étalait une palette de jeu que tout guitariste rêverait de posséder : vibrato main droite ample et expressif, bend soyeux, son clair tranchant et notes placées avec justesse. Il m’a fallu, comme une nécessité vitale, me plonger dans sa discographie.
En 1992,
Jeff Beck affichait déjà plus de vingt années d’une carrière aux multiples facettes : depuis ses débuts avec les
Yardbirds et ses compétitions techniques avec Jimmy Page, jusqu’à ses hits radiophoniques avec
Rod Stewart, ses expérimentations jazz-rock inspirées de
Mahavishnu Orchestra, ses explorations de l’électronique et ses reprises de standards pop. Que ce soit en groupe, en solo, en trio, avec
Rod Stewart, avec
Joss Stone ou avec
Jimmy Page, il proposait des chansons marquées par une empreinte caractéristique du rock des
Yardbirds au jazz-rock de “Blow By Blow”, au rock lourd de “Guitar Shop” ou à la pop de “Flash” et ses hits.
C’est la diversité du jeu et des compositions qui m’a immédiatement marqué dans sa discographie. Jeff Beck est mon inspiration de guitariste, ses bends sensuels ou nerveux, ses vibratos fluides sont des exercices d’application pour tout guitariste en herbe qui voudrait gagner en expressivité. Avec un jeu inspiré des maîtres du rock'n'roll (comme le prouve “Crazy Legs”, somme d’hommage à
Gene Vincent et Cliff Gallup) il allait de l’avant en mariant rock et électronique (‘What Mama Said’), pop, le hard rock et les prémices du heavy. Il m’a fait aimer les pistes instrumentales aux mélodies variées qui donnent la chair de poule et à l’apparente simplicité mais si difficiles à reproduire. Ses bends magiques, ses accélérations, ses riffs plombés et ses notes piquées pleines de groove. Même s'il était un guitariste “pour les guitaristes”, il était populaire car il tissait de belles mélodies accessibles. Je garderai en tête ma première émotion à l’écoute de ‘Cause We’ve Ended As Lovers’.
Il composait des tubes aux harmonies pleine de classe à des années-lumière des standards de leurs époques, il revisitait les hits : ‘She’s A Woman’ des
Beatles parée d’une
talkbox psychédélique, ‘Gooby Pork Pie Hat’ de
Charlie Mingus - pour lequel l’auteur félicitera Jeff Beck pour l’excellence de sa version, ‘Superstition’ de
Stevie Wonder qu’il imprègne d’une énergie rock. Plus qu’une nouvelle interprétation, chaque reprise était transcendée. Avec “Blow By Blow” puis “Wired” il m'a invité à pénétrer dans le monde du jazz-rock... je suppose qu’il a conduit tant d’amateurs de guitares grasses et immédiates vers les territoires d’une musique construite.
Jeff a marqué par son talent la musique populaire de ces soixante dernières années, une étoile s’est évanouie, mais d’autres vont naître, portées par ses mélodies qui résonnent à jamais. Merci à Jeff d'avoir donné la passion de la guitare et de la musique à un petit mec de 20 ans. Merci de m'avoir fait découvrir des mondes musicaux peuplés de vibrations insoupçonnées...
“I am devastated to hear the news of the death of my friend and hero Jeff Beck, whose music has thrilled and inspired me and countless others for so many years.”
David Gilmour
“He was such a big influence on me. His playing brought me to tears many times. His heart and soul were connected to his fingers and what came out was full of love and beauty.”
Jason Becker
“Un génie s’en va … RIP Jeff Beck. Tu étais une grande inspiration pour moi. Je suis choqué. Inimitable, inclassable, animal indomptable, diable rock’n’roll au jeu nerveux, sensuel et sauvage.”
Axel Bauer
“Jeff Beck, quelle tristesse ! Peu de guitaristes font l'unanimité, lui était respecté par tout le monde, du rock au jazz... Un son, un toucher, une identité, un univers, une intention sur chaque note. Nous perdons un géant.”
Patrick Rondat
“The loss of our friend Jeff Beck is crushing. All our love and prayers go out to his family, his friends, and his fans around the world. Until we meet again, Jeff.”
Buddy Guy
“The six stringed Warrior is no longer here for us to admire the spell he could weave around our mortal emotions. Jeff could channel music from the ethereal. His technique unique. His imaginations apparently limitless. Jeff I will miss you along with your millions of fans. Jeff Beck Rest in Peace.”
Jimmy Page
Et le dernier, peut-être le plus beau, le plus émouvant et le plus juste...
“Jeff, thank you for believing in me before anyone else did. You stood behind me and told everyone to take me seriously. You treated me like a daughter to the point where Wikipedia actually thought that was true.
Actually, I did too.”
Tal Wilkenfeld (bassiste de Jeff Beck)