Qui est MHUD ? En gros qui se cache derrière le D partant du principe que MHU est pour Matthieu Hubrecht ?
En fait MHUD n’a aucune signification, j’aime juste bien visuellement et
que tout n’est pas obligatoirement un sens me plaît. C’est vrai que
‘MHU’ peut porter à confusion, mais en réalité je ne m’en suis rendu
compte qu’après que des journalistes m’en aient fait la remarque.
La chronique de Music Waves indique que ton album "Post
Parade" est « inventif et présente un alliage qu’il n’est pas habituel
de rencontrer : de la chanson française (au sens de « avec des paroles
recherchées, énigmatiques voire poétiques ») allié à des sonorités
électroniques typées 70’S/début 80’s ». Qu’est-ce qui t’a poussé dans le
sens de cette union peu commune ?
De manière générale, la musique et les paroles vont de pair chez moi
(sinon pourquoi faire de la musique avec des paroles), dans ‘J’ai Voulu’ par exemple, l’intro synthé 80’s’ ’toutes voiles dehors’’ correspond
à la naissance avec un mélange énergie/enthousiasme/naïveté débordant.
La musique doit donner une dimension supplémentaire au texte ou
continuer l’idée du texte et inversement. Pour cet album, ce son de
synthé a un coté nostalgique qui correspondait à l’ambiance que je
souhaitais donner au texte, maintenant si on écoute bien l’album il y a
aussi pas mal de sonorités indus/électro plus modernes. L’autre chose qui
m’a fait aller vers ces sons, c’est tout simplement une certaine
passion que j’entretiens pour mes vieux synthétiseurs analogiques avec
leurs instabilités mais aussi avec leur côté plus chaleureux et plus
instinctif qui m’a naturellement donné envie de les utiliser.
Musicalement, cet album nous évoque « Depeche Mode pour leur
amour immodéré des mélodies et des boucles hypnotiques, et aussi Pet
Shop Boys qui eux ont plutôt pour coutume de nous raconter des histoires
de la vie quotidienne au second degré ». Ces groupes font partie de tes
influences musicales ?
Pour Depeche Mode, oui, j’aime beaucoup notamment l’album
‘Black Celebration’ qui a pas mal de sonorités indus. En ce qui concerne
les Pet Shop boys, je ne connais pas bien, je suis allé écouter vite
fait, à priori on est dans des sonorités qui me conviennent moins. De
cette période il y a aussi les albums "Security" de Peter Gabriel, "The
Pleasure Principle" de Gary Numan, "Radioctivity" de Kraftwerk, sur
lesquels je me suis souvent attardé.
On cite des groupes des années 1980 mais qu'écoutes-tu d'actuel ? Et à quels artistes ou scènes souhaiterais-tu être associé ?
En fait, j’ai écouté beaucoup de musique pendant longtemps et en ce
moment j’aime bien poser une oreille plutôt sur le chant des oiseaux,
une rivière qui coule, ce genre de trucs. Je ne me sens pas spécialement
proche d’une scène actuelle. Il y a cependant des groupes en France
comme Cosse, Bârlin ou HiFi Klub qui sont intéressants.
Tu as créé tes chansons seul mais tu as fait appel à des
musiciens pour les jouer sur l'album. C'était nécessaire pour leur rendu
sonore, parce que tu souhaitais un jour les jouer sur scène ou
simplement pour enrichir l'orchestration ?
C’est simplement que je voulais que l’album sonne le mieux possible, je
dirais à chacun son métier. J’ai rarement (voire jamais) entendu un bon
disque où la personne faisait tout (c’est bien pour la com, en ce qui
concerne le résultat j’en suis moins sûr). Même des musiciens comme
Prince qui était virtuose de plusieurs instruments engageait la plupart
du temps des musiciens spécialisés de leur instrument, ce n’est pas pour
rien. C’est bien d’être de temps en temps le point de vue extérieur de
son album pendant l’enregistrement, on a un regard plus global de ce qui
est en train de se passer, ce qui permet de mieux diriger et de mieux
discerner les modifications à réaliser.
As-tu eu peur de l'équation chanteur électropop = artiste avec son laptop?
Euh pas vraiment, déjà parce que j’ai dû chercher sur Google ce que
voulait dire laptop ! Je suis très mauvais avec un ordinateur, à savoir
que je fais mes démos non pas à partir d’un logiciel mais à partir de
mes instruments, le logiciel ne me servant qu’à enregistrer des pistes
mais pas à créer des sons ou écrire des partitions.
Ont-ils contribué à modifier les chansons, les arrangements, ou tout
était prêt avant leur arrivée? Bref MHUD est-il un vrai groupe ou plutôt
un projet solo ?
MHUD est un projet solo. J’ai travaillé avec Romain Dowska (réalisateur
de l’album) sur les arrangements de l’album et chaque musicien est venu y
ajouter une touche personnelle.
Comme on l’a indiqué, les paroles jouent un rôle tout particulier dans
l'ambiance qui se dégage de cet album. Comment se passe ton processus
créatif et dans quel ordre écris-tu les titres (musique ou paroles en
premier) ?
Ce n’est pas vraiment méthodique ou arrêté comme manière de faire.
Souvent, je crée des sons, (ça peut être à la guitare
accoustique/électrique, à la basse, au synthé/machine, piano, BAT…), à
un moment je tombe sur un qui va m’inspirer un texte et je vais
commencer à improviser dessus, ça peut tout aussi bien être un refrain,
un couplet, une intro… D’un autre coté j’ai pendant longtemps eu un
carnet sur moi dans lequel j’écrivais ce qui me passait par la tête, je
pioche régulièrement dedans, j’ai la chance d’y trouver souvent des
trucs qui correspondent à ce que je suis en train d’écrire. Il y a aussi
des titres qui sont partis d’un texte complet et la musique a été faite
après et inversement.
Collabores-tu pour l'écriture ? Tu te sens inspiré par des chanteurs ou plutôt par des références plus littéraires ?
J’écris mes textes, et dans mon cas une collaboration sur l’écriture me
paraît difficile. Je suis d’une manière générale plus références
littéraires et je dois reconnaître être assez fascinés par des grands
classiques : "La Mare au Diable" de Georges Sand, "Les Misérables" de
Victor Hugo, les Rougon-Macquart de Zola, La Comédie Humaine de Balzac,
mais Bukowski m’a quand même souvent bien fait rire. En chanteur
francophone j’aime bien le coté décalé et élégant de Stephan Eicher et
je me suis assez intéressé à divers peintres comme De Chirico, Goya,
Cezanne, Soutine…
Tu te réclames de références obscures mais on sent aussi des influences
d'électropop plus évidentes. Comment considères-tu cette scène-là ?
Je ne suis pas vraiment capable de citer le nom d’un groupe de cette
scène, j’en entends effectivement souvent un peu partout quand je sors de
chez moi.
Tu préfères qu'on te compare aux conteurs poètes français ou à
la scène britannique née avec les synthés qui racontent des histoires
en apparence plus ordinaires mais à portée en réalité universelle ?
A un
mélange des 2, sans le côté conteur d’histoire. Il y a aussi surtout un
coté peintre dans ma ma manière de voir ma musique, à l’instar de
certaines peintures où après la première impression, il y a plein de détails
qu’on découvre et qui donnent beaucoup plus de significations à
l’ensemble.
L'univers de tes clips semble aussi assez homogène. Tu travailles toujours avec les mêmes créateurs ?
Oui, j’ai eu la chance de rencontrer, la paire Nicolas Bouf/David
Garnacho et Antoine Desanti sur mon chemin, qui ont bien aimé le projet
et avec qui une confiance s’est installée.
Tu as une identité sonore bien définie, dans un style qu'on entend peu
en 2023 et notamment en France. Pourtant il me semble avoir lu que tu
souhaitais changer complètement de style pour ton prochain album. Est-ce
par peur de l'ennui ou parce que tes influences vont au-delà de la
new/cold wave ?
Déjà je pense qu’il est important de ne pas avoir peur de l’ennui. Dans
ma manière de composer l’ambiance sonore est déjà présente, je n’ai pas
vraiment à réfléchir sur comment l’album devra sonner, et comme dit
précédemment le texte est aussi souvent inspiré de cette ambiance, la
direction à suivre est là dès le départ. Je ne suis pas quelqu’un qui
cherche absolument à composer quelque chose, soit ça vient naturellement
et je suis attiré vers mes instruments et si rien ne vient ce n’est
vraiment pas grave, il y a d’autres choses intéressantes à faire dans la
vie. De plus mes influences musicales sont multiples il y a
effectivement de la New/Cold wave, (DM, Bowie, Alan Vega…), à une
période de ma vie je n’écoutais que du blues ( Lightnin Hopkins, Buddy
Guy, Sonny Boy Williamson…), j’adore le funk (Funkadelic, James Brown),
ce que fait Neubauten est toujours très intéressant, je me suis aussi
replongé dans Marillion il y a quelques temps ( "Sound that can be made"/ "Marbles"/"Fear"), Autechre aussi, et il y a des disques qui me suivent
depuis longtemps : Van Morrison ( "Moondance", "Hard Nose the Highway"),
Pink Floyd, Miles Davies, Malher, John Coltrane, Duke Ellington…
Mais au regard de la difficulté dans le monde du disque, n’est-ce pas
risqué de changer ainsi d’identité et ainsi ne pas se construire une
fanbase stable ?
Je ne me pose pas vraiment ce genre de question, on rentre plus dans le
domaine du marketing à ce moment-là. C’est vrai que c’est très à la
mode de viser un public et de faire la musique et le message des paroles
en fonction. Pour moi c’est l’inverse de ce que doit être l’Art, l’Art
doit permettre de découvrir d’autres facettes de soi, de faire bouger
nos bases pour donner d’autres points de vue que l’environnement dans
lequel on traîne.D’autre part, il peut y avoir un changement au niveau
de la forme mais je reste quand même dans une certaine esthétique et le
fond artistique est là : c’est-à-dire que je recherche toujours à ce que
le texte et la musique se répondent et s’influencent ensemble et non
chacun de son côté. Là-dessus il y a une continuité dans MHUD et c’est
ça le plus important.
Des scènes de festival cet été ou des dates de concert ?
Je n’ai pas prévu de concert, je souhaite que les instruments soient
joués et pour Post Parade il faudrait être 5 sur scène pour le monter
comme il se doit. Je n’ai tout simplement pas le budget ni un réseau de
tournée assez important pour le faire. Je préfère me concentrer sur la
production du troisième disque en espérant pouvoir le présenter live à sa
sortie.
Qu’attends-tu de cet album ?
C’est un disque qui a été réalisé pour être écouté dans sa globalité,
j’espère qu’il touchera les personnes curieuses de l’entendre et qu’il
poussera certaines à le réécouter plusieurs fois pour y découvrir ses
différentes facettes.
Un dernier mot pour les lecteurs de Music Waves…
S’ils ont à un moment envie de découvrir quelque chose de nouveau mais
différent de ce qui se fait actuellement, ils peuvent poser leurs
oreilles sur Post Parade !
Plus d'informations sur https://mhud.bandcamp.com/