Inside Out –The dark and the bright sides of Pink Floyd
Il est extrêmement rare que la bio d'un groupe mythique (vraiment mythique !) soit écrite par un de ses membres. Mais imaginerait-on l'histoire des Beatles contée par Ringo, celle des Stones par Bill Wyman, des Who par Entwistle ou celle de Genesis par Rutherford? Il peut donc paraître à première vue surprenant que ce soit Nick Mason qui ait pris l'initiative de rédiger celle du Floyd. Des quatre membres de l'époque « post-Syd » il apparaît comme le moins « intéressant » musicalement (où en tout cas celui dont l'apport à ce qui a fait le Floyd est le moins évident, ce que lui-même reconnaît). De même, il fut toujours, également de son propre aveu, un suiveur.
Pourtant, à bien y réfléchir, il est probablement le seul qui pouvait risquer d’écrire cette bio. Parce qu'il était là depuis les tout débuts (sa description des premières discussions entre lui et Waters ou entre ce dernier et Wright à la Regent Street Polytechnic est des plus savoureuses), parce qu'il est le seul à avoir toujours été un membre du groupe (peu savent que Waters exigea le départ de Wright pendant le mixage de The Wall, et que pendant la tournée qui suivit la sortie de l’album, celui-ci n’était qu'un salarié du groupe... ce qui lui permit d'éviter de devoir partager les dettes que cette tournée engendra), parce que Waters fut très longtemps son ami le plus proche (ce qui permet d'avoir une vision, certes indirecte, mais d'un intime de l’individu éminemment complexe qu’est Waters) et que Mason est aussi, avec Gilmour, à la base de la « restauration » du Floyd en 1986.... Et puis parce qu'une bio écrite par Gilmour, ou plus encore par Waters, aurait inévitablement donné une approche altérée par la rancoeur que près de 20 ans de conflits ont alimentée. Mason indique néanmoins avoir soumis son draft à ses trois compères Leurs commentaires leur ressemblent assez : des commentaires détaillés de Gilmour, des précisions de Wright ... et des corrections et désaccords innombrables de Waters. En un mot, comme Mason l'admet lui-même, Inside Out est une vision personnelle du Floyd; il ne prétend pas détenir la vérité sur chacun des moments importants qui ont jalonné la vie du groupe, mais sa vision d’insider a une valeur inestimable.
Avec un humour très britannique, Nick raconte à sa façon un nombre incalculable d'anecdotes. C'est particulièrement sa relation des premières années du groupe (les « années Syd Barrett ») qui passionne. Les débuts difficiles, les tournées sans fin dans les coins les plus reculés de l’Angleterre et de l’Ecosse (plus de 200 concerts en 1967 devant des audiences parfois (très) peu réceptives aux innovations musicales et visuelles du groupe), la volonté immense de réussir, y compris sur le plan financier, et puis un compte rendu émouvant de la rapide descente aux enfers de Syd Barrett qui se termine par l’aveu spontané que sa mise à l’écart du groupe fut ressentie par les autres avant tout comme un soulagement. Du moins initialement, car l’histoire a montré que tous conservaient un sentiment très fort de culpabilité pour n’avoir pas essayé de sauver celui-ci de la déchéance pendant qu’il en était encore temps. Inside Out n’apporte pas une réponse définitive sur le pourquoi et le comment de la présence de Syd lors d’une session d’enregistrement de Wish You Were Here, mais Mason considère que la présence du Crazy Diamond a certainement influencé la version finale de Shine on You. La photo noir et blanc prise ce jour-là (5 juin 1975) offre en tout cas une image absolument inimaginable de Barrett : bouffi et la tête complètement rasée, méconnaissable même pour ses anciens compagnons.
Un des grands plaisirs procurés par Inside Out est d’ailleurs la possibilité de découvrir de très nombreuses photos inédites du groupe et de ses membres, puisées dans l’extraordinaire collection personnelle de Mason lui-même.
L’ouvrage intéresse également parce qu’il permet d’avoir une vision de l’intérieur des années « post-Waters », peu couvertes par les biographies du groupe. Pour le reste, Inside Out est découpé en chapitres qui suivent classiquement l’évolution du groupe de façon chronologique, et pratiquement album par album, avec pour chacun de ceux-ci une fois encore la fourniture de très nombreuses informations de première main.
En conclusion, la lecture d’Inside Out est, à l’évidence, un must absolu pour tout fan de Pink Floyd. Un (petit) bémol. En bon Britannique, Mason use et abuse de colloquialisms, c'est-à-dire d’expressions familières propres à l’anglais qui ne sont pas toujours aisément intelligibles par le lecteur non anglophone, et il distille dans tout l’ouvrage un humour british très second degré, que le lecteur francophone trouvera peut-être parfois difficile à comprendre. Cela ne doit toutefois en aucun cas décourager sa lecture.
Plus d'informations sur https://www.pinkfloyd.com/