Pw : Tout d’abord, peux-tu nous parler du concept de Fooled Eyes ?
Nando Costa : Avant tout, je tiens à remercier Progressive Waves pour cette opportunité qui nous est offerte.
Fooled Eyes narre l’histoire du jeune artiste Andrew Hesser qui vit l’un des plus épanouissants moments de sa vie : la fête donnée en l’honneur de ses fiançailles avec Jeanne Camus (Le Chef d’oeuvre, Party’s On). Durant les festivités, le jeune homme se sent mal et s’évanouit. Dès lors, il entreprend un voyage à travers son inconscience (The Gallery). Il se remémore les conflits familiaux de son enfance (Broken Psyches, Candlefire), ses rêves, ses déceptions et son amour pour Jeanne (The Leading Roles). Quelques heures plus tard, de retour chez lui, Andrew est réveillé par son ami. Encore choqué par son récent périple spirituel, il répond à un appel téléphonique et réalise que le cauchemar ne fait que commencer (Inverse, Conflagration, Heaven’s Gate).
Pw : Quel est le sens du mot Thessera ?
Nando : Voici la question la plus compliquée (rires) ! Eh bien, l’origine de ce nom remonte à l’époque où j’étais étudiant en Licence d’Informatique à l’université. Un jour, lors d’un cours de géométrie analytique, je somnolais profondément, et lorsque je suis revenu à moi, j’ai réalisé que je flottais à l’intérieur d’un tesseract – un cube en quatre dimensions ! Ce rêve était si bizarre qu’il est longtemps resté gravé dans mon esprit. Aussi, quand nous avons formé le groupe, j’ai suggéré ce nom. Au début, les autres membres du groupe le détestaient, ils le trouvaient trop bizarre. Mais maintenant ils l’ont adopté (rires) !
Pw : Fooled Eyes vous permet de vous essayer dès votre premier disque au difficile exercice du concept album. Comme Pain Of Salvation, une de vos influences majeures, est-il possible que vos prochains albums soient toujours conceptuels ?
Nando : Quelques idées commencent à germer pour le prochain album. Pour l’instant, la chose la plus importante pour nous est de déterminer quelles directions nous allons emprunter, que ce soit pour les idées, le son et les thèmes. Donc, pour le moment, nous n’avons pas encore décidé si notre album sera conceptuel ou non, mais si c’est le cas, ce ne sera pas nécessairement une histoire linéaire avec des personnages. Nous ferons peut-être des morceaux traitant d’un même thème mais qui ne partageront pas la même histoire ou les mêmes personnages.
Pw : Pour un premier album, la production de Fooled Eyes est excellente. Comment s’est déroulé l’enregistrement?
Nando : Merci du compliment. Cet album est le fruit d’un long processus, nous avons fournit énormément d’efforts et de temps pour parvenir à ce résultat. Tout d’abord, nous avons couché toute l’histoire sur papier en imaginant la structure musicale globale. Puis, nous avons commencé à écrire les morceaux en nous attachant au script que nous avions écrit. Ce processus a duré environ cinq mois. Nous voulions que les compo soient arrangées au maximum avant de rentrer en studio, en évitant ainsi de perdre notre temps d’enregistrement. Avant que les sessions d’enregistrement n’aient lieu, nous avons fait d’intensives réécoutes durant un mois afin de parfaire le jeu de chacun. Le processus d’enregistrement a été la plus longue étape : elle a duré près d’un an, si l’on compte le mixage et la production. Bien que nous ayons essayé de finaliser au maximum les arrangements avant l’enregistrement, beaucoup ont été composés en studio. Nous devions aussi gérer l’artwork en même temps. A la fin, nous étions épuisés mais ça a été une expérience inoubliable pour nous tous.
Pw : D’où provient l’excellente intro jazzy de Party’s On ? Est-ce un sampler ou avez vous réellement jammé comme un groupe de jazz ?
Nando : C’est une de nos idées préférées de l’album. Nous voulions retranscrire une atmosphère de fête avec beaucoup de personnes et une ambiance live. L’idée que nous nous faisions de cette scène s’apparentait à celle d’un groupe de jazz des années 40 jouant durant une fête, exactement comme cela est représenté sur l’artwork de Party’s On dans le livret. Nous avons invité notre ami Breno Mendonça, qui est un excellent saxophoniste, pour donner une saveur spéciale à ce passage. A l’instar de la plupart des groupes de jazz, certaines prisent ont été enregistrées avec tous les musiciens jammant ensemble, de sorte que nous puissions en extraire le meilleur. Et le résultat s'est avéré excellent. Cette intro contient uniquement de la batterie (par Cerutti), de la basse (par Mattos), du piano (par Amaro) et de l’alto sax par notre invité Breno. Si vous avez aimé la version studio, attendez de nous voir l’interpréter en live… Lors de ce moment du show, nous rallongeons toujours le jam, de sorte que tout le monde dans le groupe ait la possibilité d’improviser. C’est un des meilleurs moments de nos concerts.
Pw : Pourquoi avoir intitulé le premier titre Le chef d’œuvre ? L’utilisation du français a-t-elle une signification précise ?
Nando : Si tu suis le déroulement de l’histoire, le premier morceau illustre les fêtes de fiançailles d’Andrew, certainement le meilleur moment de sa vie. Comme il s’agit d’un artiste, nous avons fait une analogie avec la peinture tout au long de l’album. S’il l’avait peint, le meilleur moment de sa vie serait son chef d’œuvre (c’est plus compréhensible dans les paroles de Party’s On). L’expression « le chef d’œuvre», pour « masterpiece » en anglais, sied donc parfaitement au morceau. Ce mot français a surgit naturellement, peut-être parce que la France symbolise le terme d’ « art » et que c’est le pays qui a vu naître des artistes tels que Monet, Renoir, Matisse, Cézanne, et tant d’autres encore.
Pw : La moyenne d’age des membres de Thessera est étonnement jeune (23 ans environ), et malgré cela, le niveau technique du groupe est d’un professionnalisme surprenant. Vous avez dû commencer à jouer de la musique dès l’age de trois ans, non ?
Nando : Pas si tôt quand même… (rires) Ce genre de musique, aux arrangements sophistiqués, avec beaucoup de riffs, de soli et duels aux tempos souvent véloces, demande un niveau technique très élevé. Mais c’est le résultat d’énormément d’études et d’heures de pratique de nos instruments. Nous avons commencé à jouer aux alentours de 12 ou 13 ans en moyenne, mais c’est un studieux apprentissage qui nous a permis de devenir de bons musiciens. Un autre facteur crucial, à mon avis, vient du fait de connaître différents styles musicaux. Quand tu es en proximité avec différents genres, tu élargies ta perception de la musique, ce que nous avons eu l’opportunité de faire durant notre formation. Evidement, nous avons un tas de points à améliorer, et encore beaucoup de choses à apprendre et à découvrir.
Pw : Qu’avez-vous prévu pour le groupe dans un futur proche (un nouvel opus studio, une tournée) ?
Nando : Nous sommes en pleine organisation de notre tournée européenne, qui se déroulera entre septembre et octobre 2007. Les premiers shows sont déjà planifiés, mais avant cela nous allons faire quelques concerts ici au Brésil. Nous voulons nous rendre dans autant d’endroits que possible et profiter de l’incroyable travail de promotion qu’a effectué Gordeon Music Promotion pour nous. Ca va être cool de pouvoir récompenser nos fans Européens avec des performances live. Nous sommes ouverts à tous promoteurs, agences et clubs se situant en Europe pour planifier d’avantage de concerts. Pour organiser un concert de Thessera, vous pouvez adresser un e-mail à eurotour@thessera.com.
Pw : Quelle serait ta définition du “progressif” ?
Nando : Je pense que « progressif » est synonyme de « liberté ». Nous pouvons créer sans avoir à nous soustraire aux impératifs qui régissent habituellement l’art. Nous pouvons mixer différentes atmosphères, expérimenter, ce qui ne serait sûrement pas accepté dans des styles plus conventionnels. Un bon terme pour la musique progressive est « son visuel ». La musique progressive transmet énormément de sentiments, mais le principal est que tu peux visualiser des images à travers elle.
Pw : De plus en plus de formations de metal à l’envergure internationale émergent du Brésil, et les plus grands groupes enregistrent désormais leurs lives là-bas. As-tu ce sentiment que le Brésil est en passe de devenir un des pays clés de la scène metal ?
Nando : Je pense que le Brésil est le foyer d’énormément de groupes géniaux et qu’ils influencent des tas de kids et de nouvelles formations dans le monde entier. Nous avons une culture très riche et beaucoup d’excellents musiciens. Nous sommes très fier d’être d’actifs acteurs de cette scène et je pense que nous sommes sur le point de devenir un pays majeur de la scène metal. Malheureusement, la plupart des combo ne bénéficient d’aucun support ici et sont contrains de sortir leurs albums et de tourner dans le plus de pays possibles s’ils veulent en faire leur métier.
Pw : Pour finir, un dernier mot pour vos fans français ?
Nando : J’aimerais vous remercier encore une fois pour cette interview. Et nous voulons remercier tous les fans de Thessera de France pour leur énergie et leur support. Nous espérons faire de supers concerts ici très bientôt, c’est là la meilleure façon de vous récompenser tous. Keep proggin’ !
Un très grand merci à toi, Nando. En vous souhaitant le meilleur pour le futur de Thessera !
Plus d'informations sur http://www.thessera.com/