Profitant de la présence du groupe Lazuli à la Convention Prog-Résiste, j’avais pris rendez-vous avec Dominique Léonetti pour une interview que j’ai eu bien du mal à obtenir une fois sur place, car Lazuli a rencontré un tel succès sur la scène du Spirit of 66 ce soir là qu’il a fallu les arracher à leurs fans pour s’isoler un peu le temps de quelques questions.
Je me retrouve donc face à Domi, Gédéric et Fred pour un entretien en plein air sur la place des Martyrs à Verviers.
Présentation de Lazuli
MW : Pouvez-vous me présenter rapidement le groupe ?
Moi c’est Gédéric de Lazuli, je suis guitariste.
Fred, et je joue des percussions … percussions et claviers essentiellement.
Moi c’est Domi et je chante et je joue de la guitare. Et les absents, il y a Yohan qui joue des percussions, il y a Claude qui joue de la Léode et Sylvain de la Warr Guitar.
MW : D’où vient ce nom de Lazuli ?
Lazuli c’est le mot bleu, le mot azur… nous sommes tous d’origines différentes (mais surtout du bassin méditerranéen) et ce mot était le seul qui nous réunissait. Certains sont d’origine italienne, en italien on dit azzurro, en espagnol azul, il y a le français azur et il y a l’arabe lazaward…
Donc c’était le mot qui nous réunissait .. et en plus on a tous les yeux bleus …. mais sur l’enregistrement ça ne se verra pas …
MW : J'aurais tendance à définir votre musique comme de la chanson progressive métissée (métissée au sens "World Music"). Cela vous paraît être une bonne définition ?
Oui ! le fait de dire chanson déjà… c’est une chose qu’on revendique depuis le début.
Le côté métissé est très présent, même si ce n’est pas de la word ou du raï… mais il y a des influences indiennes, maghrébines … nous venons de plein d’horizons différents et ça donne aussi ce côté métissé. Et pour le côté progressif… en mélangeant tout ça on fait peut-être du progressif.
Les textes ont une grande importance aussi.
Donc le terme nous convient bien.
Le son Lazuli
MW : Lazuli présente une formation plutôt atypique : pas de clavier ni de basse, mais une Warr Guitar "énorme", des percussions "classiques" (xylophone, vibraphone, marimbas, etc …), une batterie jouée comme des percussions, sans parler de la Léode. Est-ce une volonté délibérée de sonner différemment, ou bien un simple opportunisme ?
C’est un peu des deux. Nous avions une volonté de sortir des systématismes… Dès le départ nous voulions ne pas avoir de batteur. Nous nous sommes imposés des règles comme ça, mais, par ailleurs, nous nous sommes rencontrés avec chacun nos particularités.
Pourtant Yohan n’était pas prédisposé à jouer des percussions puisqu’il est guitariste et saxophoniste, mais il s’est retrouvé aux percus parce que c’est l’homme à tout faire du groupe, un touche à tout. Et même quand les instruments ne sont pas bizarres c’est les guitaristes qui sont bizarres … (regards vers Gédéric)
MW : C’est leur façon de jouer de la guitare qui est bizarre, je suppose ?
C’est comme ça qu’on l’entendait … mais pas uniquement … il est bizarre quand même …
(Gédéric se justifie) C’est très dur de se situer en temps que guitariste. Il y a des millions de guitaristes qui jouent super bien et comme je n’avais pas le niveau pour
atteindre ce jeu là, j’ai cherché une autre voie. Il y avait des guitaristes qui m’intéressaient qui sont peu connus en dehors des milieux guitaristiques, mais des mecs
comme Reeves Gabrels qui a joué avec Bowie ou Adrian Belew, qui est super connu lui, m’ont influencé.
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MW : La Léode apporte une couleur particulière à la musique du groupe, particulièrement en contre-point des guitares. Claude a-t-il eu des demandes d'autres musiciens pour une fabrication en série ?
Oui, de plus en plus. Mais je ne pense pas que Claude ait envie qu’il y en ait d’autres exemplaires, pour pleins de raisons. Non, mais parce qu’il ne serait plus le
meilleur joueur de Léode du monde. Ça c’est la première des raisons que je ne voulais pas dire … Il est toujours très flatté que des gens viennent le voir pour la Léode, mais c’est un instrument artisanal et très difficile à mettre au point … Je ne suis pas sûr que d’autres musiciens arrivent à gérer les problèmes d’utilisation, alors que pour Claude, la Léode est une partie de lui-même, c’est pas évident de partager ça. Ça viendra peut-être un jour.
C’est un instrument capricieux qui tombait souvent en panne au moment d’entrer sur scène. Il faut beaucoup de sang froid pour gérer ça. Ça ne serait pas un service à rendre à d’autres musiciens que de leur permettre d’avoir une Léode. Claude a dompté la bête avec le temps …
Lazuli et Ange
MW : Les personnes découvrant votre musique avec votre dernier album vont inévitablement oser la comparaison avec Ange : des textes subtils et intelligents, une musique rock-prog à la française, une reprise de Cap'tain Cœur de Miel (sans parler de la présence d'Hassan Hadji au Crescendo ou de votre participation à la Convention d'Ange en 2006 …). Que leur répondrez-vous pour vous démarquer (ou non) de cette référence qui colle à la peau de beaucoup de groupes rock-prog en France ?
Oui, Hassan Hadji nous a fait le cadeau de venir croiser la note avec nous. En fait, il était en vacances et il s’est dit "je n’ai rien à faire, si j’allais voir Lazuli" et
il avait la guitare qui le démangeait …
Ce qui est étrange avec Ange, bien que nous soyons flattés de cette filiation, c’est que nous ne connaissions pas leurs disques (Fred précise : "je suis le seul du groupe à avoir écouté Ange car mes frères aînés écoutaient leurs disques à tue-tête quand j’avais 10-12 ans" et Domi de conclure : "Alors que nous, nous sommes les grands frères dans nos familes !"). Jeunes, on écoutait plutôt du AC-DC …
En fait il y a une grande histoire d’amitié avec Ange … C’est grâce à un membre de leur fan-club, "Un pied dans la marge", qui a trouvé que notre musique avait quelque chose de proche d’Ange et qui en a parlé à UPDLM. On a envoyé un courrier avec un DVD promo qu’ils ont fait voir à Christian Décamps qui a trouvé ça super. Il nous a invités pour ses 60 ans, l’an dernier à Bergerac, et c’est pour lui faire un cadeau que nous avons joué "Cap’tain cœur de miel". Comme nous avons pris du plaisir à jouer cette chanson nous l’avons adoptée et enregistrée.
Depuis nous nous voyons de temps en temps, quand ils descendent dans le sud ils passent nous voir, et nous pareil quand on monte dans l’est.
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Lazuli et le prog
MW : On vous a vu écumer pas mal de festivals cet été (Crescendo, Symforce etc …) et aujourd’hui à la Convention Prog-Résiste, pourtant votre rapprochement avec la scène prog semble plutôt récent. Comment vous situez-vous par rapport à ce mouvement ? Est-ce une ambition que de faire du prog ?
Nous sommes fiers d’avoir été acceptés dans la famille du prog parce que ça fait partie de nos influences. On a écouté tous les grands groupes du genre. Mais nous n’avons pas cette démarche de vouloir faire du prog, on fait de la musique et on ne cherche pas plus loin. Mais si nous sommes accueillis par cette famille ça nous va très bien, on s’y sent bien ! C’est encore une histoire de métissage … nous avons baigné dans les influences de Peter Gabriel, Yes, King Crimson ou Pink Floyd, mais nous écoutons aussi de la musique contemporaine, même du métal … En fait, on n’écoute pas forcément de prog à la maison, moi (Fred), les seuls disques prog que j’ai, c’est des vinyles de Yes, de Crimson ou de Magma. Les vieilles valeurs …
On découvre la jeune génération, mais on ne la connaissait pas jusqu’à maintenant. Mais on se sent bien dans cette famille !!
MW : La signature chez Musea ne va-t-elle pas vous enfermer dans cette catégorie de musique ?
Ça ne nous dérange pas. Le prog est aussi une sorte d’auberge espagnole .. quand on n’arrive pas à donner un nom à un style on dit que c’est du prog … Magma c’est du prog, Soft Machine c’est du prog, et pourtant c’est très différent
Lazuli et la scène
MW : Justement, par rapport à vos nombreuses apparitions scéniques, j'ai pu de visu constater combien votre musique grandissait encore plus sur scène, où l'on vous sent de surcroît très à l'aise. Comment vivez-vous ce rapport de proximité avec le public ?
La scène est l’endroit où nous nous sentons le mieux. Pendant longtemps on nous a considérés comme un groupe de studio. Nous aimons faire un travail un peu fouillé et comme nous avons un studio à résidence beaucoup de gens s’imaginaient que nous aurions du mal à faire passer notre musique sur scène. Le studio est un passage obligé, mais c’est sur scène que nous vivons notre musique.
MW : Est-ce également pour cette raison que vous avez intégré un DVD avec votre dernier album ?
Exactement !! Même si cela en fait un objet plus cher, cela nous permet de montrer les deux facettes du groupe. Pour nous c’était indissociable.
MW : Au moment de préparer cette interview, j’avais ajouté une question sur un prochain passage de Lazuli à Paris ou même, mieux à mon goût, à Versailles. Nous avons appris depuis que vous assurez la première partie de Fish à la Loco le 9 décembre. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
La date parisienne se fait avec "Prog La Vie" (association proche de "Fantastiques Musiques", puisque Benoît Herr fait partie des deux !), mais Versailles nous plairait bien … le théâtre Montansier est un endroit magnifique.
Lazuli et la notoriété
MW : Certains ont découvert Lazuli il y a quelques années lors d'un reportage sur le groupe (et surtout sur la Léode) diffusé dans un journal de France 2. Ce passage vous a-t-il apporté une notoriété nationale (voire mondiale ?) ? L'avez-vous ressenti sur les ventes de CD et/ou sur les invitations à vous produire sur scène ?
Ah ? c’est toi le seul à avoir regardé l’émission (en plus de nos familles !!) !
Nous avons eu plus de retours avec la première émission qui avait été faite sur France 3. Les gens nous disent "on vous avait vus", mais après ! Sur le moment nous avons eu quelques appels qui sont restés sans lendemain.
Cette émission n’a donc eu aucune retombée positive sur nos ventes de disques, pas plus qu’elle ne a nous apporté de propositions de concerts.
MW : La question suivante, que nous avons évoquée précédemment, devrait être liée à la notoriété : comment êtes-vous arrivés à faire la première partie de Fish ??
C’est très compliqué … Il y a d’une part notre tourneur allemand qui est intervenu auprès du manager de Fish, et puis bien sûr la volonté de Benoît Herr qui voulait que ça se fasse sur Paris. Il y a eu aussi l’intervention de Bruno Cassant.
Les questions subsidiaires
MW : Question "Les Echos" : vivez-vous de votre musique ? Sinon quelles sont vos activités annexes ?
Jusqu’à maintenant pas vraiment, mais les choses sont en train de changer. Nous n’espérons pas vivre, mais survivre de notre musique comme des intermittents du spectacle. Nous allons prendre ce statut à partir de janvier car nous avons un rêve commun, c’est d’arriver à vivre de notre musique en ne faisant que ça. Ça nous permettra peut-être de changer le camion …
MW : Question "Gala" : lors de son concert au Crescendo, Linda Cushma (leader d'Oxygene 8) a dû déclarer environ 27 fois "Lazuli I love you". Alors, qui est l'heureux élu ?
Nous n’avons pas envie de le savoir, chacun peut penser que c’est pour lui. Elle nous aime bien et c’est réciproque. Nous avons eu le plaisir de la croiser plusieurs fois, notamment au Mexique et nous nous sommes bien entendus. Peut-être un rapprochement dû aussi aux instruments utilisés (ndr : Linda est une stickiste !).
MW : Question "Jacques Dessange" : quel est le coiffeur qui s'occupe de la barbe et des cheveux de Gédéric ? (question valable également pour Domi et Fred !!)
On laisse faire la nature !!
MW : Question "Tout le Monde en Parle" : "Le Repas de l'Ogre" sonne la charge contre le locataire actuel de la Maison Blanche; envisagez-vous un titre similaire dédicacé au Napoléon qui squatte l'Elysée et les media ?
Ce serait une redite … Cette chanson fonctionne aussi pour lui ! D’ailleurs j’y ai fait allusion en concert en annonçant qu’il y avait un couvert de plus à la table de
l’ogre.
MW : Le mot de la fin pour les lecteurs de MW …
On pourrait dire qu’on cherche un coiffeur …. un coiffeuse de préférence ... jolie ….
Venez aux concerts, pas que les nôtres ! Pour nous c’est la chose la plus importante et nous sommes heureux de jouer pour le public. Nous voulons multiplier cette expérience le plus possible … et nous souhaitons qu’il y ait toujours des gens comme ici qui se démènent dans les associations pour que les groupes comme le nôtre puisse s’exprimer sur scène.
Crédit photos : Claude Doncker www.docker.ch/claude/
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