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Album GENESIS SELLING ENGLAND BY THE POUND GENESIS
SELLING ENGLAND BY THE POUND (1973)
CHARISMA
ROCK PROGRESSIF
5/5
BLACKSHEEP
26/04/2010
 
55
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Il me semble que c'était en hiver. En janvier peut-être. Ce devait être en janvier 1974. Je ne sais plus. Mais en tout cas j'ai acheté cet album sans jamais avoir écouté quoi que ce soit de Genesis. On m'avait juste mentionné le groupe comme étant intéressant. Et j'ai pris celui-ci au pif dans les bacs. Cela aurait pu être aussi bien Foxtrot ou Nursery Cryme. Non, ce devait être celui-là.
La pochette déjà augurait d'un monde plutôt bizarre, décalé d'une certaine réalité. Avec sa dominante jaune, cette perspective sur un jardin anglais et cet étrange personnage en gros plan, à la tête démesurée, ce gazon tondu comme le sont à présent les stades de foot avec ses lignes alternées, à droite une femme avec une ombrelle, bref ça sentait un peu le désuet, les années passées, l'Angleterre d'une violente douceur ... Et puis ce titre "Selling England by the Pound"? littéralement j'avais traduit du haut de mes 3 ans d'anglais "Vendant l'Angleterre par la livre...". Évidemment, j'avais fait ce rapprochement avec la monnaie britannique mais n'avait pas perçu le jeu de mot rendu possible car "livre"=argent mais aussi "une livre" est un poids, un demi kilo chez nous. Donc on se retrouve au marché où l'on vend des légumes au poids, ici c'est un pays..
A l'intérieur, on trouvait une pochette noire sur laquelle figuraient les paroles des chansons. On voyait tout de suite que l'époque était à la longueur des morceaux. Quant aux titres d'iceux, on nageait de plus en plus. Mais déballons...
J'étais très sensible aux logos centraux des disques à cette époque et celui-là était des plus singuliers et collait tellement bien avec ce qu'on allait entendre : au centre un type coiffé d'un chapeau haut de forme ouvrait la bouche comme s'il chantait, à gauche un lapin blanc (Alice? celui qui est en retard...) et à droite un animal souriant (j'ai su plus tard que c'était le Cheshire Cat) dans des branches. En fait, The Famous Charisma Label, maison de disques de l'époque s'était approprié les dessins de Teniel qui avait illustré le Alice in Wonderland de Lewis Carroll. C'était donc cet univers là qu'on nous proposait, des gens qui dorment dans des jardins et qui rêvent... Tout ça bien sûr entrait doucement dans mon inconscient. Et je n'avais encore rien entendu!!

SIDE ONE
Dancing With The Moonlit Knight (premières impressions : la messe et les choeurs de fantômes!)
C'était d'abord une voix a cappella et si je souviens bien j'ai dû furtivement penser à un curé en chaire tant la mélodie ressemblait à celle d'une formule liturgique. Et puis le timbre surtout m'avait marqué (encore maintenant quand j'écoute Up le dernier Peter Gabriel sorti, car c'était lui le chanteur), un timbre indéfinissable, unique, une espèce de vibrato naturel survolant des notes liées sur un tapis de guitares acoustiques (les fameuses 12 cordes génésiennes, nous parlerons de l'instrumentation après) et un orgue électrique aux sons flûtés dans les aiguës et il y avait je ne sais quoi de moyenâgeux qui connotait chez moi des films de cape et d'épée avec Jean Marais avec une belle qui joue dans son château, image renforcée au gaz de la source, puisque le titre faisait mention d'un chevalier (Knight), "ô saisons, ô châteaux!" comme dit le poète. Bref nous voilà parti dans un drôle d'univers où les chevaliers dansent au clair de lune et vendent leur pays au poids, avec une reine de "Peut-Etre" (the Queen of Maybe) tout ça chanté par une voix vibrante passant des graves au aiguës. Un piano fait son entrée, superbes arpèges -c'est cool, mes parents n'entraient même pas dans ma chambre pour me dire de baisser - et la guitare de Steve Hackett sans effets qui s'harmonise avec le tout. Et alors c'est là que j'entends des voix qui montent, qui semblent éloignées et ce ne sont pas des voix humaines mais ça y ressemblent, comme un choeur de fantômes dans une église sombre d'Atlantis. Bon sang! C'est le son de mes cauchemars! Où ont-ils pêché ça? Bienvenue dans l'univers baroque du mellotron! Comme si cela sortait de la bouche du personnage du logo central (le Chapelier Fou). Sur mon pauvre électrophone, la musique semblait sortir de partout, tant du haut-parleur que de la rondelle de vinyle. Je jure que je ne prenais rien d'illégal pour imaginer tout ça. Après les choeurs au mellotron, Peter Gabriel pousse sa ritournelle très haut, sa voix réverbère, d'une incroyable justesse jusqu'à une apothéose lorsqu'il dit "wear wellll!" Puis le capitaine mène la danse, bal chez les Capulets, et ça s'électrise au fur et à mesure (s), un tourbillon de guitare dans les graves ba boum baaa doum ba doum baa doum et des notes jouées très vite en aiguës, les premiers jeux en "tapping" de Steve Hackett et ça repart dans un gouffre, les danseurs sont pris de frénésie, relayé par l'orgue Hammond de Tony Banks qui joue sur le volume créant un effet de zoom musical, un va et vient et puis il y avait ce son de clavecin électrique aussi, un truc qui faisait boïng boïng. En rythmique, Mike Rutherford agite très rapidement sa main droite sur sa 12 cordes (hyper dur à reproduire) et Phil Collins ponctue le tout d'une batterie où la caisse claire et les cymbales jouent un rôle prépondérant. Puis l'ensemble et part vers une boucle psychédélique qui s'estompe. J'avoue avoir moins apprécié ce passage, je trouvais (et trouve toujours) que c'est du remplissage. Mais quel morceau d'entrée! Je savais que j'allais avoir de beaux jours devant moi pour écouter toute la production de ce groupe.

I Know What I Like : broooooo, la tondeuse à gazon...
Bon, disons-le tout de suite ce n'est pas mon morceau préféré de Genesis. Je sais qu'il fut un tube (est-ce pour ça? non je ne le savais pas à l'époque) mais sa mélodie simpliste et un peu niaise sur synthé gnangnan, non seulement me rappelait autre chose (je ne sais pas quoi encore) mais contrastait bien trop entre les deux opus de cet album. Cependant, je trouvais les paroles intéressantes, et la situation bien vue. Qui parle? la tondeuse à gazon (ou le tondeur, d'après les mimiques de Peter Gabriel dans les concerts de cette époque) témoin de la vie d'une famille où Jacob doit ranger sa chambre et Ethel fait toujours des bêtises. Le choix de ces prénoms judaïques a-t-il une autre signification? je ne sais pas. En tout cas j'aimais cette phrase que je répétais à l'envi : You can tell me by the way I walk... Référence reprise bien plus tard dans I Can't Dance et l'album The Way We Walk, allitération en "w"...

Firth of Fifth: L'estuaire du cinquiéme!!!.. bon sang on comprend rien à leur titres!
Hé oui, il fallait savoir que Genesis était fan de jeux de mots et connaître un peu la géographie de la Grande Bretagne pour savoir que la Forth (prononcée comme fourth = quatrième) était un fleuve d'Ecosse (http://fr.wikipedia.org/wiki/Firth_of_Forth )et qu'icelui se termine par un estuaire (Firth)...comme si on avait parlé en France des "boucles de la Scène" ou écrit "le loir est cher..." on peut en faire des centaines (enfin autant qu'il y a de fleuves en France.)
Alors là on est dans le classique pur et dur et j'adorais ça (au fait j'ai jamais dit que j'ai d'abord aimé le classique, enfant pour retrouver ça dans le rock ), du piano en grandes cascades (qui descendent de l'estuaire moi aussi je t'en fais des jeux de mots!), j'ai su par la suite que Tony Banks était très influencé en classique par Rachmaninov et chaque fois que j'écoute ce morceau, chaque fois ça m'apparaît évident. Et paf! ça part d'un coup sans transition. Un de mes amis de lycée, pianiste de son état, le premier avec qui j'ai fait de la musique et à qui j'ai fait découvrir Genesis, reprochait ce manque de transition entre le piano et l'arrivée du chant rock. Personnellement ça ne m'a jamais choqué. J'aime assez les juxtapositions en musique.
Donc tout part en même temps voix, guitares, orgue, batterie puis arrive le moment des mélodies. Peter y va de sa flûte (ce n'est pas un grand flûtiste, contrairement au Ian Anderson de Jethro Tull, qui lui chante moins bien!) puis surtout Steve Hackett apporte un son inédit avec sa guitare truffée de pédaliers, un son proche des claviers qui prennent le relais d'une mélodie développée de façon très classique avec thème, exposition, réexposition, fugue, Bach joue du synthé... Il fallait redécouvrir le morceau avec une bonne stéréo pour noter l'importance des arpèges de la 12 cordes électrique sur pédalier de basse, ensemble par la suite superbement reproduit sur scène. "Les moutons restent dans leur enclos avant que le berger les mène ailleurs ..." merci ô bergers musicaux de m'avoir sorti de mon enclos.
More Fool Me : bof!cette chanson folkisante avec la voix de Phil Collins me semble aussi du remplissage. En plus je trouve qu'elle est très mal mixée. Volonté de contraste sans doute...

SIDE TWO. (Bastons, musique de castel, Roméo & Juliette sortent en boîte et recette des œufs brouillés…très anglais, quoi !)
The Battle of Epping Forest : Baston à Epping Forest : mon chouchou de l'album...
Ça commence par ce qu'on appelle un fondu d'entrée, un rythme martial avec roulement de caisse claire, un orgue avec un son de trompette, on sent le défilé, défilé des Rolls "Silver Cloud" des caïds de la pègre londonienne qui s'avance le long de la route de Epping Forest. Pour la traduction (c'est moi qui l'ai faite! ) : http://www.lacoccinelle.net/traduction-chanson-66295-.html. Bref après cette courte intro et ce défilé nous voilà plongés directement au coeur de la bataille à rebondissements multiples. Ça décolle dans un rythme d'enfer avec incises de guitare enrouée de distorsion mais claire encore (Steve Hackett a toujours réussi un son bien à lui) et piano limite bastringue jusqu'à l'arrivée de la cavalerie (comme dans les westerns de mon enfance) aux cuivres synthétiques. Puis l'histoire s'interrompt avec l'histoire du révérend : on passe à la 12 cordes genre "coin du feu" et là, bonjour et chapeau pour le changement d'atmosphère, de son, de rythme et de tonalité, on repart ensuite au coeur de la bataille électrique avec une transition qu'on a à peine vu arriver, Genesis avait digéré la leçon du "A Day In The Life" de Sergeant Pepper et l'ont développé à l'envi. Pour illustrer mon propos, il faut dire que la chanson "A Day In The Life" est en fait deux chansons : une commencée par Lennon et l'autre par McCartney. Aucun des deux n'arrivait à finir. On a réuni les deux et ce fut "A Day In The Life", à mon sens, la chanson la plus aboutie des Beatles. Tout ça pour dire qu'ils avaient bel et bien ouvert une brèche dans laquelle allaient s'engouffrer nombre de groupes progressifs. La bataille reprend donc et finit au lever du soleil sur un son d'orgue en nappes rythmiques, presque liturgique accompagnant une mélodie au synthé, plus lente qu'auparavant et l'on fixe le score à pile ou face et la guitare part dans une envolée aux accents à la fois classique (ligne mélodique pure) et très rock (riffs), mélange réussi jusqu'à l'apothéose et l'accord final en majeur majestueux conclu par un descente de batterie, miroir de la montée du début.

After the Ordeal : ventrebleu, manant, tu vas subir l'ordalie!
C'est un instrumental et c'est on ne peut plus significatif du son du Genesis de cette époque. Encore une fois, on a l'impression que Haendel ou Bach joue sur les instruments de cette époque (1973). Morceau qui commence par une mélodie classique à la guitare du même nom avec appogiatures et mordants baroques pour finir sur une espèce de slow avec mélodie à la guitare électrique qui semble pleurer son son. (hon, hon!).Non, honnêtement, je suis sur le cul chaque fois que je l'écoute. Belle mélodie, arrangement au cordeau, et puis cette espèce de son qui semble sortir d'un jardin de Hampton Court. Guitares mélodiques sur nappes d'orgue, tout ce que j'aime.

The Cinema Show : Roméo et Juliette sortent en boîte...
Je n'ai toujours pas très bien compris le début de ce morceau. Est-ce de la 12 cordes ou de l' "electric sitar" comme mentionné sur la pochette? En tout cas, une bien jolie descente d'arpèges qui ouvre le bal de ce Roméo de weekend (milionaire) qui va retrouver sa Juliette qui fait son lit avant de partir après s'être tamponné de quelques gouttes de parfum. C'est vendredi soir ("Thank God it's Friday! "(TGIF) comme disent les petits Américains...) chacun se prépare à sortir et Roméo fantasme déjà sur la Juliette qu'il va mettre dans son lit. Côté musique, ça fantasme bien et les cordes (12 ou sitar?) cèdent vite la place aux claviers de Banks, MC du bal, montées descentes, Tony sait ses gammes, le son des synthés d'époque en sus sur nappes d'Hammond, très grand moment, le grand Banks au sommet de sa forme (il y restera à mon sens jusqu'à Wind & Wuthering ...avant que Genesis ne fasse de la soupe épicée à la Collins) et le morceau s'enchaîne sur..

Aisle of Plenty ...et la recette des oeufs brouillés.
...dans lequel on reprend le thème du premier morceau (Dancing With the Moonlit Knight), avec ses accents liturgiques pour donner la recette des oeufs brouillés, très anglais, avec ses onces et ses pounds (Selling England by the... ) et finir dans le lointain, la musique s'estompant en "fade away...". J'aimais assez le jeu de Collins à la batterie : une vraie mélodie sur ses toms.
On refranchira la Manche moult fois et le disque gardera sa patine très 70s. D'autres albums suivront mais celui-là restera comme l'Album de Genesis qu'il faut avoir. Sans le faire exprès, j'avais acheté le meilleur! La Classe!

 
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