Bien que The Chronos Anomaly ne soit que la seconde exploration sonore de Triangular Ascension, Federico Agreda, l'homme qui se cache derrière cette entité, n'est pas pour autant un inconnu et encore moins un quelconque puceau de la Dark Ambient. Claviériste passé maître dans l'art des samples, DJ et remixer, stakhanoviste effréné multipliant les projets (Zardonic, Gorepriest...), sa carrière démarrée au Venezuela en 2001 est monumentale et sa discographie, épaisse comme le bottin. L'homme brode une oeuvre à la lisière de plusieurs genres, Ambient, Indus, Dusbtep et Black Metal, en une symphonie tellurique où les éléments se déchaînent.
Ceci étant, Leviathan Device, sa première échappée sous le patronyme de Triangular Ascension, que précédait toutefois une poignée d'EP tel que Microcosmogenesis ainsi qu'un split partagé avec Abiotha, ne nous avait pas enthousiasmé plus que cela. Sans doute, en attendions-nous trop. Son format le lui permettant, l'album fixait néanmoins la signature de la créature vénézuélienne. Concept ambitieux, dimension cosmogonique et progression souterraine forment ainsi le substrat d'un édifice dont la démesure empêche d'en discerner les nombreuses facettes.
Puis il y a eu "Six Wings", sa participation à la somme-anniversaire du label Cyclic Law, laquelle est venue corriger l'image mitigée que nous avions de Triangular Ascension, ce que confirme aujourd'hui The Chronos Anomaly, pavé dont les 75 minutes réussissent là où échouait quelque peu leurs devancières. Basé sur des fondations identiques, l'opus propulse l'écriture façonnée par son prédécesseur, vers des sommets dont on doutait que Federico Agreda soit capable d'atteindre. Celui-ci trouve dans le combat de l'homme contre le temps, passé et futur et ses conséquences sur l'esprit, le corps et l'âme, l'humus idéal à son inspiration cathartique aussi hallucinée qu'envoûtante.
Corollaire de sa nature conceptuelle, l'album possède une forte unité, bloc indivisible impossible à émietter, à fragmenter en titres distincts. Magma de nappes hypnotiques, de sons au souffle apocalyptique, ceux-ci fusionnent en un trou noir abyssal. Ce qui ne signifie pas que The Chronos Anomaly soit linéaire, bien au contraire. Fidèle à une expression organique de la Dark Ambient, Agreda construit sa création comme une élévation progressive vers la lumière, pale clarté que symbolise le blanc virginale de son écrin visuel.
Oppressant lors de ses premières mesures ("Time Crystal"), le thème progresse peu à peu, en même temps que la palette instrumentale s'enrichit ("Sandstorm" et ses arpèges squelettiques, sa flûte aux teintes spectrales), long tunnel débouchant sur un espace immense ("Final Movement"), ébloui par une luminosité (faussement) rassurante dont on ne sait si elle incarne la vie ou bien la mort...