Varg Vikernes et l'Ambient, c'est une longue histoire. Démarrée en fait dès les débuts de Burzum et incarnée par de petites pistes instrumentales émaillant l'opus éponyme ou Det Som Engang Var, elle s'est accélérée à partir de Hvis Lysett Tar Oss via de longues complaintes pour finalement déboucher sur des albums complets dont le cadre carcéral qui les a vus naître commandait toutefois leur nature uniquement électronique, le Norvégien étant alors privé d'instruments autre qu'un simple clavier. Pour le meilleur (le démentiel "Rundtgåing av den Transcendentale Egenhetens Støtte" et ses 25 lancinantes et hypnotiques minutes, sur Filosofem) ou pour le pire (l'ennuyeux Hliðskjálf), cette facette par trop souvent décriée - encore que les deux rondelles bricolées derrière les barreaux ont leurs amateurs - demeure indissociable du personnage, qu'on le veuille ou non.
Depuis son retour en 2010 avec Belus, il est de bon ton de critiquer Burzum dont les quatre dernières offrandes ont suscité autant de réserve que de passion quand ce n'est pas de la moquerie sinon de la haine. Dans ce contexte, Sôl Austan, Mâni Vestan, qui voit Vikernes renouer avec l'Ambient, est quasiment promis au pilori. Cette incartade (ou pas) électronique ne surprend pourtant pas, après un Umskiptar plus chamanique, moins bouillonnant que Fallen, plus contemplatif surtout. Conçue comme un concept-album axé sur "une initiation païenne, une élévation de l'homme au divin...." dixit son auteur, de la descente dans les ténèbres à la remontée vers la lumière, l'oeuvre s'inscrit en outre logiquement dans la thématique païenne que le Norvégien (désormais basé en France !) développe depuis ces dernières années, laquelle trouve dans le film "ForeBears", que celui-ci a réalisé avec sa compagne Marie Cachet, l'évidente expression et dont Sôl Austan, Mâni Vestan s'inspire d'ailleurs.
Pour partie du moins, bande-son de cette exploration visuelle d'un culte ancestral et préhistorique, celui de l'ours, l'album existe par lui-même, s'apprécie (ou non) sans avoir vu les images qu'il est censé accompagner. Son thème et sa nature déterminent à la fois son caractère entièrement instrumental et une construction, tranquille et répétitive, en forme de progression émotionnelle, de l'obscurité ("Sôl Austan", littéralement, l'est du soleil en vieux norvégien) à la lumière ("Sôlbjörg").
D'aucuns seront bien sûr tentés de le comparer à Dauði Baldrs et à Hliðskjálf. Mais, outre le fait qu'il bénéficie d'une prise de son bien plus chaleureuse et convaincante ainsi que d'une richesse instrumentale toute autre ("Rûnar Munt PuFinna" et sa ligne de basse mangeuse d'espace), cette onzième création de Burzum possède nettement plus de charme et de réussite que ses deux devancières synthétiques, surtout dans ses moments les plus noirs, témoins les longs "Haugaeldr" et "Heljarmyrkr" dont les effluves obsédantes communiquent une tristesse infinie.
A l'instar de ses récents aînés, Sôl Austan, Mâni Vestan aura autant de détracteurs qui le trouveront ridicule et musicalement pauvre que de thuriféraires sensibles à la beauté de ces sonorités fascinantes dans leur expression minimaliste. Il est à l'image de son auteur, artiste plus que jamais seul et sincère qui ne laisse personne indifférent. Il creuse son sillon, toujours passionnant, se moquant des qu'en dira-t-on et des modes. L'album est-il une pose ou bien ouvre-t-il un nouveau chapitre dans l'histoire de Burzum ? Seul l'avenir nous le dira... Vu la rapidité du bonhomme, nous n'aurons pas longtemps à attendre pour en avoir la réponse !