Excellente initiative (une de plus) de la part de Cyclic Law que de rééditer aujourd'hui Aeon et Solar, soit les deux premiers EP de Vestigial, projet italien de Dark Ambient, respectivement gravés en 2007 et 2009. Aux huit pistes originelles réunies pour l'occasion, viennent se greffer deux titres inédits (nous y reviendrons), le tout habillé dans un digipack épuré au format A5. A les (re)découvrir plusieurs années après, on mesure combien ces dérelicts hallucinés n'ont rien perdu de leur force rampante ni de leur puissance bourdonnante.
Suivant une trame chronologique, Aeon ouvre l'écoute avec ses quatre pulsations. Désincarnées, celles-ci crépitent d'un magma angoissant qui prend aux tripes, masse grouillante de sonorités martiales, de bruitages industriels et de (rares) voix déshumanisées ("Celebrating The New Sun"). Effrayante, la Dark Ambient forgée par Vestigial se pare d'une dimension abyssale, trou noir capable d'avaler toute trace de lumière alentour, à l'image du démentiel "The Grey Constellation" dont les émanations noires au bord de la folie vous hanteront encore longtemps après l'écoute.
Ces plaintes étouffantes évoquent des sphères célestes qui palpitent d'une énergie à la fois sourde et terrassante, non dénuée d'une espèce de beauté spectrale qui suinte de ces strates tentaculaires ("Last Extinction Prayer"). Mais il y a quelque chose de quasi religieux dans ce pandémonium de sons assourdissants, pollués, reflets d'un monde crépusculaire au bord du gouffre que ronge une décrépitude malsaine ("Substorms Curtains").
En dépit de son nom, lointaine promesse d'ambiances lumineuses, Solar (re)pousse à son paroxysme de l'effroi cette Dark Ambient glaciale. L'écouter s'apparente à errer le long d'immenses couloirs vides qu'aucune chaleur ne parvient jamais à atteindre. Seul le terminal "Serene Ground" voit on fuselage ourler d'un fugace éclat salvateur. Arides et hermétiques, ces titres grondent d'une sève organique aux confins de l'Indus ("New World (Un)Order"), symphonie bruitiste de rouages mécaniques, de samples fantomatiques.
Solar repose sur la prolifération mortifère d'images sonores stridentes qui bourdonnent jusqu'à un point de non-retour difficilement franchissable. Chaque morceau est le côté d'un monument gris et autoritaire. Bref, on ne saurait trop vous conseiller cette réunion de deux offrandes qui ont fait date dans l'histoire de la Dark Ambient, petites par la taille, grandiose par leur impact tellurique. Une fois aggloméré, Aeon et Solar donne vie à un monstre, golem démiurgique et funeste, symbole d'une civilisation condamnée à une inexorable chute...