Il y a deux choses dont il faut se méfier : l'album de la "maturité" et les pochettes avec une tête de mort. Pourtant, Leprous compte parmi ces groupes dont la sortie d'un nouvel opus déclenche chez moi une certaine fébrilité. C'est encore plus vrai pour celui-ci. En effet, l'Artwork peu engageant et le communiqué publié quelques temps avant la parution de ce 'Coal' avaient de quoi laisser sceptique, prédisant un album plus sombre et plus mélancolique que ses prédécesseurs.
"Foe" ouvre les hostilités avec, première (mauvaise) surprise, un riff d'une seule note. Si la performance vocale d'Einar Solberg est à souligner, les vocalises interminables doublées de sa propre voix samplée sont d'une monotonie et d'un ennui terribles. Les jeunes norvégiens vont malheureusement renouveler cette décevante expérience au cours de l'album avec des répétitions agaçantes de "ah-ah-ah-ah" sur "The Valley" ou "Echo". De nombreux titres sont d'une linéarité à laquelle le groupe ne nous avait pas habitué et la rupture est plutôt brutale. Oui, l'album est plus sombre et mélancolique et il suffit d'une seule écoute pour s'en apercevoir. Ce n'est pas le seul constat que l'on pourra en tirer : Les envolées lumineuses d'un 'Bilateral' ou la puissance brute des brûlots qui émaillent 'Tall Poppy Syndrome' ont presque complètement disparu. La plupart des compositions est d'une lourdeur proche du Doom et le tout est extrêmement répétitif, comme s'ils se raccrochaient à un gimmick, un riff, une mélodie pour ne plus la lâcher jusqu'à l'épuisement ("Echo", Foe", "Salt"). C'est sans doute un parti-pris, mais le résultat est pour le moins discutable.
Au delà d'une production irréprochable, bien au-dessus de la moyenne, il y a tout de même de bonnes choses à retenir de cet album avec quelques titres sortant du lot. "Chronic", mais ce n'est qu'une demi-surprise puisque le titre est en écoute depuis plusieurs semaines sur différentes plateformes. Les mélancoliques, mais très réussis "The Cloak" et "Salt", sortes de ballades un peu plus formatées que les autres titres, mettent nettement Einar Solberg en avant. Sa performance sur l'ensemble de l'album est en tous points remarquable tant au niveau de ses capacités vocales étonnantes que de son sens inné de la mélodie. Tout semble fait pour le mettre en valeur puisque les autres musiciens sont clairement en retrait (pas le moindre solo à se mettre sous la dent en 56 minutes, c'est un peu maigre). Enfin, "Contaminate Me" est l'ovni de l'album ; un titre à l'énergie contagieuse sur lequel Ihsahn vient donner un coup de main bienvenu à ses habituels camarades de scène. Le final est grandiose avec un Ihsahn au sommet de sont art guttural accompagné d'un violon angoissant. Un closer qui sonne toutefois comme un aveu d'impuissance du groupe à proposer seul quelque chose d'original, alors que c'était leur marque de fabrique.
Certains trouveront probablement la démarche de consacrer un album entier à une atmosphère lourde et oppressante géniale mais on ne peut pas plaire à tout le monde. Au final, ce 'Coal' sera certainement une énorme déception pour les amoureux des deux premiers albums du groupe dont je fais partie mais il pourra également plaire à un nouveau public qu'un métal moins lumineux, plus mélancolique et un poil répétitif ne rebutera pas. Leprous propose ici un exercice très éloigné du prog avant-gardiste dont ils étaient, il y a encore peu, l'un des principaux fers de lance.