Comme son patronyme ne l'indique pas, Tugs est un groupe italien originaire de Livourne, fondé en 1978 et qui, après 35 années de prestations uniquement scéniques, publie (enfin) son premier album sous la forme d'un concept présentant une vision de l'histoire européenne au travers de certains de ses événements.
Et comme un clin d'œil à leurs voisins français, nos transalpins ouvrent le bal avec l'évocation d'une célèbre défaite française du côté d'un certain plat pays, le tout sur fond de musique de fête foraine aux contours délibérément joyeux. Cette ambiance festive fortement teintée d'influences folk va d'ailleurs se poursuivre tout du long des trois premiers titres enchaînés, qui nous présentent un groupe bien dans la tradition italienne progressive des années 70. La présence souvent conjointe de flûte et de violon contribue d'ailleurs grandement à la mise en place d'un espace sonore se référant à cette période dorée, reléguant basse et surtout guitare au second plan, et le clou est définitivement enfoncé lorsque le chant "italien dans l'âme et l'expression" de Pietro Contorno vient se poser par-dessus cet univers luxuriant.
Autant tuer rapidement le suspens, l'impression première laissée par cette performance vocale s'avère vraiment négative, aussi bien sur le fond que sur la forme. Les afficionados du progressif à l'italienne ne seront certes pas rebutés par l'emphase excessive qui se dégage des interventions de notre artiste. En revanche, force est de constater qu'en grande majorité ses lignes mélodiques s'avèrent bancales et parfois même décalées par rapport à l'accompagnement instrumental, les rendant du coup difficilement ingérables par tout un chacun. Le "summum" de ce désagrément est atteint sur Le Colline di Ems, heureusement "sauvé des eaux" lorsque notre homme finit par se taire.
Et c'est bien dommage, car du côté de l'instrumentation, l'inspiration est clairement de mise, avec une profusion de thèmes servis par des orchestrations fouillées (à défaut d'être totalement soignées). La variété tant mélodique que rythmique est de mise, et malgré quelques surcharges, le groupe s'ingéniant à multiplier les empilements de couches sonores, chaque passage instrumental donne l'occasion à Tugs de dérouler un rock progressif passionnant, avec Pietroburgo 1824 et sa deuxième partie flamboyante comme point culminant de l'album.
Malgré ces quelques imperfections et une fin d'album en demi-teinte, Europa Minor mérite une attention particulière allant bien au-delà d'une simple écoute. Il reste maintenant à espérer que Tugs mettre un peu moins de temps pour donner une suite à ce premier effort prometteur. Sinon, rendez-vous en 2048 !