Les Etats-Unis ayant refusé le précédent album « In A Glass House », Gentle Giant réalise son premier album pour le marché américain en 1974. Le groupe a-t-il mis de l’eau dans son vin pour plaire aux masses ? Oui et non dirais-je pour faire une réponse de normand. Si on sent l’accroche immédiate à l’entame de la plupart des morceaux, Gentle Giant n’a pas pour autant oublié son vocabulaire ni son savoir-faire. Contrepoints, virtuosité instrumentale et concision sont toujours à l’ordre du jour mais cette fois-ci au service de mélodies plus accessibles (si l’on peut dire), et on peut affirmer sans ambages qu’il s’agit d’une sacrée réussite.
C’est simple, pas un morceau faible ne se trouve sur ‘The Power And The Glory’, album centré sur la thématique du pouvoir et de la corruption, à commencer par « Proclamation », probablement une des meilleures compositions du groupe tout albums confondus (cet avis n’engage que moi mais avouez que j’ai plutôt bon goût). Ecoutez en premier la ligne mélodique du chant et comment les instruments se mettent progressivement en place (d’abord le clavier puis la basse et la batterie) avec un sens du groove proprement incroyable. Le morceau alterne ensuite sur plus de 6 minutes des parties chantées en chœurs à la limite de la musique atonale et des parties instrumentales « groovy » à souhait. Vous vous demandiez peut-être d’où Spock’s Beard et Echolyn tirent leur incroyable énergie et ce sens musical si particulier ? Ne cherchez plus, c’est du côté du « Gentil Géant » qu’il faut regarder. ‘So Sincere’ reprend la formule austère et exigeante du précédent album alors qu’avec ‘Aspirations’ (repris par The Samurai of Prog sur leur album « Secrets in disguise ») c’est à une somptueuse ballade mélodique et accessible que nous avons affaire.
L’album se poursuit avec des compositions soufflant le chaud et le froid jusqu’au superbe ‘Valedictory’ au chant haut perché (limite hard-rock) avec un solo de piano « jazzy » du plus bel effet. « The Power And The Glory » est un des meilleurs albums du groupe (en tous cas, le préféré de votre serviteur) et une belle porte d’entrée vers l’univers singulier et décalé de Gentle Giant.
Si l’expérience vous a convaincu, vous pouvez la poursuivre en regardant le DVD « Giant on The Box ». Celui-ci comprend des extraits de passages télé du groupe enregistrés à l’époque et c’est tout bonnement stupéfiant. Passé le kitsch des accoutrements, on ne peut que s’incliner devant ces musiciens multi-instrumentistes qui démontrent en live leur capacité à maîtriser un langage musical élaboré en studio.