Derrière le nom d'Iamthemorning (sans espace !) se cachent deux jeunes russes de Saint Petersbourg : Gleb Kolyadin, pianiste émérite issu du conservatoire, et Marjana Syomkina chanteuse autodidacte à la sublime voix de soprano. Ils se sont rencontrés en 2010, et après quelques mois à se côtoyer en musique, leur engagement commun a réellement démarré lorsque le groupe Arstidir leur a demandé d'assurer leur première partie. Groupe entièrement classique dans un premier temps avec la présence d'un trio à cordes à leurs côtés, Iamthemorning a finalement inclus dans sa formation une section rock, afin de ne pas se confiner dans un schéma 100% acoustique.
Et le propos du groupe est effectivement résumé dans cette volonté de mélanger une instrumentation classique typée musique de chambre avec une section rock en bonne et due forme. La trame principale de la plupart des titres de ce premier album est bien entendue constituée par le duo piano/voix, régulièrement soutenu par les instruments à cordes (violon, alto, violoncelle). Cette configuration permet une mise en valeur toute particulière du splendide organe de Marjana, dont les montées dans les aigus se révèlent d'une beauté époustouflante, rappelant en cela une certaine Kate Bush ou plus récemment Tori Amos (dont l'ingénieur du son vient d'ailleurs de contacter le groupe pour l'enregistrement du deuxième album).
De son côté, son compère multiplie les arabesques pianistiques, offrant à l'auditeur béat une farandole de mélodies toujours plus imaginatives les unes que les autres, bien loin d'une simple construction couplet/refrain. Et même si l'on pourra quelque peu regretter quelques tonalités un peu trop proches lors de l'enchaînement de certains titres, l'ensemble se révèle bien plus proche dans sa globalité d'un schéma "classique" que d'une construction à la simple sauce rock.
Mais ceci n'empêche pas cela, et la section rock judicieusement ajoutée sur ce premier album vient renforcer le propos du groupe, notamment dans l'exécution de chorus tout bonnement sublimes, parfait contrepoints puissants à la délicate teneur du majoritaire propos acoustique. Chose encore plus remarquable dans ces passages, la qualité de l'enregistrement, pourtant réalisé dans des conditions précaires, qui permet à chaque instrument de trouver sa place dans un spectre sonore très encombré et d'être perçu par l'auditeur, sans même recourir à une écoute au casque.
Pris dans son intégralité, ~ propose une succession de morceaux qui s'enchaînent de manière tout à fait naturelle, avec quelques parenthèses constituées de sept Intermission, petits interludes qui auraient d'ailleurs mérité de plus amples développements au vu de leur qualité. Au bout des 50 minutes de ce ravissement, il est alors difficile de ne pas se laisser embarquer par une nouvelle écoute, tant la sortie de cet univers enchanteur ramène ensuite à la dure réalité !
Du fait de l'éloignement et des faibles moyens dont dispose le groupe, la majeure partie de la communauté progressive est passée complètement à côté de ce premier album, sorti une première fois en avril 2012 avant d'être remastérisé en octobre de la même année. Comme il n'est jamais trop tard pour bien faire, je ne peux que conseiller aux lecteurs adeptes d'une musique intelligente, délicate et fortement émotionnelle de se précipiter pour l'acheter, ce qui permettra de surcroît au groupe de se doter de moyens plus conséquents pour la réalisation et la promotion de son successeur qui, à coup sûr, devrait connaître une bien plus large diffusion, à la hauteur des espérances nées de cette première réalisation d'ores et déjà incontournable.