Parfois certaines initiatives m'échappent. Ainsi, qu'est-ce qui peut motiver un label à rééditer un album poussiéreux paru initialement en 1971 d'un groupe de seconde zone pratiquant une musique confidentielle et tellement datée qu'elle en paraît complètement démodée pour des oreilles contemporaines ? Un certain goût du masochisme ou une passion viscérale pour un genre passé de mode ? Pas l'illusion d'en tirer un quelconque profit, j'espère.
"Cottonwoodhill" est le premier album de Brainticket, un groupe qui donne dans le Krautrock psychédélique obsessionnel. L'album a la durée moyenne des disques de l'époque, donc relativement courte comparée aux productions contemporaines. Etant donné le contenu musical, cette brièveté est l'une des rares qualités à mettre au crédit de cet opus dont les trois-quarts sont occupés par une longue suite découpée en deux parties.
Difficile d'ailleurs de comprendre pourquoi 'Brainticket' se voit découpé en 'Part 1' et 'Part 2' si ce n'est la limite technique imposé par le support vinyle à l'époque. Car musicalement l'inspiration (enfin, c'est un bien grand mot !) est la même. Sur le même gimmick basse/batterie/guitare/orgue qui tourne inlassablement en boucle durant 26 minutes ou presque, le groupe s'amuse à faire un collage de tous les bruits qui lui sont tombés sous la main : on entend ainsi tour à tour des bruits de moteurs, cris de foule, sonneries, rires, sifflements, hurlements, voix parasitées, bruits de machines, de mitraillettes, déflagrations, cris de singe, les deux premières mesures de la 5ème symphonie de Beethoven, des bourdonnements, chœurs, cliquetis, bruits de chasse d'eau, de marteau-piqueur, et enfin des bruits de frein précédant une collision qui vous informe que votre supplice est terminé.
Pas de chant mais la voix sensuelle de Dawn Muir (deuxième bon point) qui se lance dans un discours exalté et essoufflé sur la 'Part 2' tandis qu'elle simule ce qui ressemble fort à un orgasme bruyant sur la 'Part 1', très Love, Peace and Freedom des années 70. Les deux autres titres sont anecdotiques, très répétitifs également, peuplés de riffs de guitare acides, d'orgues saturées d'un autre âge et de voix trafiquées, 'Places Of Light' étant quelque peu sauvé par les volutes d'une flûte légère.
Le côté expérimental et hypnotique, pour ne pas dire lassant, de "Cottonwoodhill" pouvait paraître osé lors de sa sortie, même si l'on faisait nettement plus novateur et intéressant à cette époque. Aujourd'hui, sa musique très datée a largement dépassé la date de péremption.