Après At The Drive-In qui manquait d'enjeux musicaux et The Mars Volta qui ne lui permettait pas de s'exprimer pleinement, la carrière solo d'Omar Rodriguez-Lopez commence à devenir particulièrement fragmentée et éparpillée. Le bonhomme est un boulimique de travail, personne ne pourra le nier avec une discographie dépassant les 30 albums, la plupart sortis ces 10 dernières années. Mais Bosnian Rainbows n'est pas vraiment un nouveau projet personnel puisqu'il s'agit réellement d'un groupe, avec tout le travail collectif que cela implique. Les musiciens qui l'accompagnent ne sont d'ailleurs pas de complets inconnus pour ceux qui se sont intéressés à la discographie de Omar, puisque l'on retrouve Deantoni Parks, présent sur le dernier The Mars Volta, sur plusieurs sorties solos de Omar Rodriguez-Lopez ainsi que sur certains titres de Big Sir, un des projets de Juan Alderete, le bassiste de TMV, ainsi que Teri Gender Bender, du groupe Le Butcherettes dont Omar a produit le premier EP, et qui a collaboré à sa carrière solo. Le dernier larron, Nicci Kasper, se trouve être un camarade musical de M. Parks. Une vraie famille que ce petit monde !
Mais du coup, que vaut ce "Bosnian Rainbows" ? En dépit de ses (très nombreuses) références, l'album est très loin des expérimentations, et autres délires latinos de M. Rodriguez-Lopez. Chaque musicien apporte sa propre touche, pour un rendu unique et personnel, tout en conservant un côté griffé, une patte particulière.
Teri Gender Bender ravit dès l'ouverture, avec sa voix entre une PJ Harvey, profonde et rythmée, et une Natasha Khan (Bat For Lashes), brillante et mélodique; cette dernière comparaison est particulièrement audible sur des titres comme 'Worthless' et 'The Eye Fell In Love'.
Musicalement, Bosnian Rainbows nous sert une synth-pop travaillée, groovy, hypnotique par moment ('Eli'), onirique à d'autres, comme sur 'Turtle Neck', rappelant un peu Elysian Fields en plus dynamique. Le clavier a une place prépondérante sur de nombreux morceaux, plaçant les ambiances, les petits sons qui font l'univers de "Bosnian Rainbows", comme une toile de fond portant l'ensemble. Il est le liant des compositions et apporte même quelques touches purement électro, très présentes sur 'Worthless' notamment.
La guitare d'Omar Rodriguez-Lopez quant à elle, surprend. Elle surprend par sa facilité à s'intégrer dans le propos musical, jamais trop en avant, jamais hors sujet, comme on l'a parfois connu dans d'autres projets. Les expérimentations et manipulations sonores sont bien là, mais toujours pour se mêler aux nappes sur synthé, pour grandir la profondeur psychédélique des morceaux. On retrouve les soli inspirés sur 'Torn Maps' et les arpèges distordus sur 'Always on the Run'. Seules absentes au panel, les sonorités latinos très présentes pourtant dans l'univers d'Omar Rodriguez-Lopez.
Bosnian Rainbows arrive au cours de ces 11 morceaux à décliner son langage en une grande palette d'émotions et de tableaux : le très funk/fusion 'Dig Right In Me', 'I Cry For You', lourd et angoissant, avec un final presque punk, 'Morning Sickness' surprenant avec sa rythmique disco, sa voix éthérée et sa guitare planante.
L'ensemble de l'album est cohérent, issu du même bois et on ne pourra qu'apprécier toutes les richesses et toutes les subtilités de chaque piste.
Avec ce nouveau projet, Omar Rodriguez-Lopez arrive à se renouveler, à surprendre de nouveau et surtout, enfin, à laisser de la place aux autres. Et malgré la personnalité forte de son fondateur, le groupe arrive à se forger une identité propre. Prometteur, on ne doute pas que Bosnian Rainbows continuera de nous surprendre et de nous ravir.