Black Sabbath est un groupe britannique de … Non, on ne présente pas un groupe comme celui-là. Black Sabbath n'est pas un groupe de Heavy Métal, Black Sabbath c'est LE heavy métal, probablement son premier inventeur et Tommy Iommi le premier a avoir créé ce son si particulier en accordant sa guitare un ton plus bas que la normale.
Il y a deux ans, la rumeur s'est répandue comme une traînée de poudre : Black Sabbath se reforme avec le line-up d'origine, la mythique formation avec un Ozzy enfin sobre et un Iommi apaisé. Et puis c'est devenu officiel, 45 ans après leurs début et 35 ans après leur dernière production dans cette configuration, l'album '13' va voir le jour. Malheureusement, Bill Ward ne fait pas partie de l'aventure, un énième différent opposant Iommi à un membre du groupe venant gâcher le tableau, mais l'essentiel n'est pas là. L'essentiel, c'est le riff ! Le sacro-saint Riff avec un grand "R", le riff bien lourd et sombre, celui qui installe un groupe au panthéon du rock, véritable marque de fabrique de Tommy Iommi depuis 4 décennies. Ce bon vieux Tommy connait la recette par cœur et va nous la servir à nouveau, reste à savoir si elle coulera comme de l'hydromel ou si elle sentira juste le réchauffé.
D'entrée, "End Of The Begining" plante le décor : un riff énorme, un tempo lent, le timbre unique d'Ozzy et le son caverneux de la basse ronflante de Geezer Butler. Quelques 8 minutes et un solo enivrant plus tard, le premier verdict tombe : c'est bien du Black Sabbath, pur jus, originel. Original ? Pas sûr ! La recette est dupliquée sur plusieurs titres "Loner", "Age Of Reason" ou "Dear Father" avec toujours le même schéma, a savoir un riff très heavy en mid-tempo sur lequel Ozzy débite ses textes de façon assez monocorde. Aux deux tiers des titres, le tempo s'emballe un peu pour amener un solo transpirant la maîtrise d'un demi siècle de pratique. Mais très vitre une certaine lassitude s'installe par manque de variété et, il faut bien le dire, d'originalité. Si à la première écoute c'est la nostalgie et le plaisir de retrouver ces sonorités qui l'emportent, les morceaux inutilement trop long viennent ternir le tableau. Avec "Zeitgeist", le Sab' nous refait carrément le coup de "Planet Caravan", y compris les percussions et les guitares acoustiques. La voix d'Ozzy s'y fait langoureuse et fort agréable, mais la ficelle est un peu grosse.
Deux morceaux sortent du lot et ré-haussent le niveau de l'album. Le premier, "God Is Dead" est porté par la basse ronflante et omniprésente d'un Geezer Butler s'en donnant à cœur-joie, ses cordes accordées très bas vibrant sur les micros de son instrument. Ozzy y est touchant et les textes incitent à la réflexion. Le morceau décolle après le bridge et le tout est extrêmement cohérent. Quant à "Damaged Soul", c'est son ambiance pesante et inquiétante qui le rend si attractif. Le son y est sale comme sur un vieux blues des seventies et l'harmonica hyper saturé vient encore renforcer cette impression. Iommi y plante deux soli qui tireront quelques frissons aux amateurs de blues-rock seventies, avant un emballage final en forme d'apothéose. Un morceau qui aurait eu sa place sur un album du groupe dans les années 70. Mention spéciale également à "Age Of Reason" qui vous gratifiera encore d'un solo magique et virevoltant du Sieur Iommy et qui aurait eu droit aux mêmes éloges que le précédent si le début ne s'éternisait pas dans des longueurs épuisantes.
Côté production, le son est impeccable, presque trop, et permet de profiter pleinement de chaque partition. Seule la batterie est un peu en retrait. Est-ce que l'absence de Ward, brillamment remplacé sur l'album et la tournée mondiale qui suit par Brad Wilk (Rage Against The Machine), y est pour quelque chose ? Pas sûr puisque cela contribue à l'équilibre de l'ensemble. Il est juste un peu regrettable de ne pas retrouver l'authenticité du son seventies des albums auxquels ce '13' veut tant ressembler, pour s'y croire un peu plus, mais la lourdeur des compos est bien servie par ce son énorme.
Comme il fallait s'y attendre, Black Sabbath est un groupe de sexagénaires qui ne sauraient avoir la même verve créative qu'à leurs débuts. Ozzy ne peut visiblement plus nous gratifier de montées en puissance dans les aiguës et son timbre, si reconnaissable et agréable qu'il soit, reste trop monocorde. '13' a le mérite de faire revivre une légende de la musique de ces 50 dernières années, force d'inspiration d'au moins un tiers des groupes chroniqués dans ces pages. Il a également pour lui des éclairs de génie qui justifient largement l'achat de ce vingtième album studio du groupe anglais. Mais c'est loin d'être un chef-d'œuvre, et les titres mythiques qu'il tente de nous rappeler seront certainement plus attendus par les fans que ceux de cet album lors de la tournée mondiale à laquelle nous ne saurions que trop vous conseiller de vous rendre pour apprécier cette légende du heavy métal.