Tel un Yngwie Malmsteen du micro, Jorn Lande tient la barre et le rythme effréné des publications en étant le seul maître à bord de son esquif musical. Et tel son acolyte au melon chevelu, au fil des ans notre ami en perd de vue toute direction et objectif. Je m'étais donc apprêté à torcher le truc, blasé avant même la première écoute, prêt à lancer comme argument implacable que ce nouvel album serait aussi utile à un fan de Hard Rock qu'un avion à un oiseau (cf artwork).
Pourtant, il semblerait qu'il se passe ici quelque chose de légèrement différent. Un début de prise de conscience peut être. Toujours est-il que ce "Traveller" semble le premier album depuis 2007 et son 'Unlocking The Past', à donner des envies de retour régulier sur platine. Peut être parce que Jorn semble ici plus posé et sur de lui. Les titres savent prendre leur temps comme 'Cancer Demon' ou le slow tempo inspiré qu'est 'Make Your Engine Scream' à la basse ronde (on pense à Maiden sur le solo), tout en évitant le piège des passages inutiles ou stériles. Peut être aussi parce que les nouveaux venus Trond Holter et Bernt Jansen (ex Wig Wam) apportent indéniablement une plus value aux compos ainsi que du sang neuf à l'ensemble. La guitare ultra présente sur 'Window Maker', par exemple, sauve sans le moindre doute le titre de l'anonymat.
Alors ce n'est pas l'album de l'année non plus, mais il se veut au final bien plus sympathique que les précédentes livraisons quelque peu "torchées" du Corbeau.
Le riff d' 'Overload', débutant sur une grosse basse, évoque parfois 'Enter Sadman' de qui vous savez. Solide, à la voix doublée à l'octave, il ouvre l'album sans grand éclat. 'Cancer Demon' penche vers 'Holy Diver' mais l'âme insufflée au titre suffit à maintenir l'attention. Pour ce qui est de l'adopter à long terme, comme plusieurs titres ici ('Legend Man', 'Window Maker'), le doute subsiste.
Puis viennent les titres plus solides, voire même légèrement originaux sur la fin (attention cela reste du Jorn tout de même) comme 'Traveller' qui mérite sa place sur la pochette de l'album, âpre à souhait et au soli en twin piquant. Puis arrive le meilleur moment de l'album avec 'Carry The Black' au phrasé habité d'un Jorn version Candlemass (énorme avec son passage plus léger en son sein et son accélération finale), un 'Rev On' foncièrement positif et remuant (ce refrain simple mais entêtant) se plaçant dans les titres de tête avec son voisin exotique et volontaire 'Moonsoon' au solo planant. Le lourd 'The Man Who Was King' à l'intro vocale usée sur une guitare acoustique délicate, hommage explicite à Ronnie James, vient clore l'album et cette belle séries de cartouches lourdement calibrées.
Il se passe donc quelque chose du côté de Mr. Lande, l'album se partageant entre le bon et le moyen, sans grosse lourdeur cependant. Que Jorn prenne son temps à l'avenir avant de nous pondre un nouvel album, et qu'il n'hésite pas à pousser bien plus en avant les claviers, l'audace et la prise de risque. Peut être tiendrons-nous alors un album digne du talent du Monsieur. Car il le vaut bien !