Ils sont trois, Belwill, guitariste et (un peu) chanteur, Giu Omm, qui tient la basse et puis Karim Bouazza derrière les fûts, powert-trio dans la (belle) tradition du genre, pysché et quasi instrumentale. Evoquant l'esprit de Domadora, la dompteur de fauve, le groupe est né pour enflammer les scènes de petites salles chargées de sueur, de bière et de stupre. On l'imagine cracher la sauce chez les Stoned Gatherings ou mieux encore au Roadburn. C'est dire...
Malgré la qualité de cette première rondelle, on sent bien que les Parisiens sont à l'étroit entre les quatre murs d'un studio d'enregistrement, explorateurs de paradis artificiels hallucinés dans leur démesure. De même, le CD que nous tenons entre les mains parait trop petit pour ce Stoner fuzzy et généreusement enfumé taillé pour le vinyle, seul format à sa hauteur.
Encadré par deux titres pour le moins curieux, l'éponyme "Tibetan Monk", fracas d'instruments au bord du larsen qu'on imaginerait plutôt achever un set à l'énergie fiévreuse, encore qu'on se souvient qu'en 1970 Deep Purple démarrait déjà son In Rock dans un concert de riffs saturés, et le court "Wild Animal Skin", l'opus se déploie surtout via quatre pulsations aux allures de jams démoniaques, ce dont il ne se cache pas, comme le prouvent certains de leur nom. Cette nature détermine à la fois des durées forcément généreuses, de plus de dix minutes en moyenne et une capacité à manger l'espace, à libérer une myriade d'effluves gorgées de feeling, compositions aux contours volontairement flous.
Véritable happening sonore, on pouvait craindre que Tibetan Monk ne se limite qu'à un amoncellement sans queue-ni-tête de soli (mal) enchaînés par des musiciens ayant quitté depuis longtemps le plancher des vaches. Il n'en est heureusement rien, chaque titre étant tenu d'une main de fer par le trio qui sait parfaitement où il va, témoin la démentielle progression de "Naïroya". Les morceaux sont clairement taillés pour le live, fruit de sessions où les mecs branchaient leur instrument pour laisser libre cours à une inspiration débridée.
Parfois lourd, à l'image de "Domadora Jam", rarement chanté à l'exception de l'anecdotique "Chased And Caught", la formation tricote un maillage cotonneux et groovy ("Ziggy Jam") dont la guitare, tour à tour belle ou plus terreuse, est la principale aiguille, perçant des paysages colorés. Discrète bien que nerveuse, la section rythmique abat en second plan un boulot imparable, imprimant une puissance granitique, à l'image de "The Oldest Man On The Left", nébuleuse respiration noyée sous un nuage d'ondes psyché.
Invitation à un trip surréaliste, Domadora est une découverte à ne manquer sous aucun prétexte dont on devrait entendre parler dans les années à venir...