Avec une pochette au moins aussi laide que celle du Born Again de Black Sabbath (c'est dire) et un patronyme qui fleure bon le death metal de seconde zone, c'est peu dire que nous n'attendions pas grand chose de Goatess. Mais, fidèles du label Svart Records dont le catalogue force le respect, et (forcément) appâtés par une étiquette "Stoner Doom" toujours alléchante, le premier album de ce groupe a logiquement fini par remplir nos cages à miel.
Et alors là, ce fût la claque, le point G fulgurant, l'orgasme des grands jours. Quelle maîtrise ! Quelle classe ! Ces mecs ont le Doom dans le sang, ils transpirent le Sabbath originel par tous les pores. Et puis, il y a cette voix, façon Ozzy enfumé, qui ne nous est d’ailleurs pas inconnue puisqu'il s'agit de celle de Lord Christus, actuel chanteur de Lord Vicar et ex beaucoup de choses, toutes plus cultes les unes que les autres, de Terra Firma, à Count Raven sans oublier Saint Vitus.
Tout à coup, tout s'explique, le mystère de la création s’éclaircit, on comprend mieux pourquoi ce galop d'essai éponyme semble être le dernier rejeton d'une longue lignée, oeuvre de vieux briscards de la scène Doom connaissant toutes les ficelles du genre et qui ne trichent pas surtout, forgerons d'une musique authentique et sincère, coulée dans le Heavy Metal le plus pur.
Formé en 2009 sous le nom de Weekend Beast (?), Goatess porte l'incontestable griffe de Christus, vétéran aussi respecté que respectable dont le chant suffit à l'arrimer à une certaine vision du Stoner à l'ancienne, la prise de son rugueuse mais pleine de feeling. Plus qu'à Lord Vicar qui reste avant toute chose le projet de Peter Vicar ou à Saint Vitus (trop américain), on pense en premier lieu à Count Raven et à Terra Firma à l'écoute de ces hosties trempées dans le plomb. Malgré leur longueur, entre 7 et 8 minutes en moyenne et la ligne droite qu'ils suivent, ces titres ne s'embourbent jamais dans l'ennui, irrigués par des mélodies qui, pour être simples, n'en creusent pas moins de profonds sillons dans la mémoire.
Sur un socle rythmique granitique se posent des câbles de guitares superbes, sédiments porteurs d'une lourde tristesse (le "Oracle Pt. 1 : The Mist" et ses ambiances cotonneuses). Chargé d'amertume et profondément émotionnel, le chant du Suédois n'est pas en reste, souvent douloureusement beau ("Alpha Omega"), écrin vocal granuleux idéal de ce chemin de croix aux allures de leçon qui fera date dans le genre.
Dans sa première partie et bien que toujours miné par une lenteur misérable, Goatess tire ses cartouches les plus dynamiques, les plus Heavy, entre la monumentale amorce "Know Your Animal", qu’animent des notes de guitare entêtantes et les plus sabbathiens "Ripe" ou "Full Moon At Noon". Puis, à partir du diptyque "Oracle", l’opus entame une plongée dans la mine, laquelle culmine avec "King One", descente qui peu à peu se pare d’oripeaux presque psyché. Le compteur Geiger s’affole, le tempo ralentit, décélération pétrifiée de laquelle peuvent pourtant surgir des volutes aux parfums orientaux étonnants comme au beau milieu du terminal "Tentacles Of Zen".
Décidément, entre les sorties respectives de Uncle Acid & The Deadbeats, Spirtitual Beggars, Purson, Cathedral, Black Sabbath et donc de Goatess, l'année 2013 est placée sous le signe du Doom et du Hard Rock 70's. On ne peut que s'en réjouir...