Si on ne sait pas trop comment est née cette collaboration aux antipodes géographiques l'une de l'autre entre les Brésiliens de Labirinto et Thisquietarmy, projet canadien du seul Eric Qash, il est certain en revanche que l'on tient là une bien curieuse association entre Post Rock aérien et Drone Ambient oppressant.
En effet, cohérente sur le papier, cette alliance l'est beaucoup moins une fois calée entre les oreilles. Oeuvre bipolaire, ce split fait souffler le chaud et le froid, l'envoûtant et l'inquiétant, le plein et le vide, autant de caractères qu'incarnent respectivement les deux protagonistes qui nouent en réalité que peu de points communs, si ce n'est un format instrumental identique. De fait, s'il s'avère plutôt aisé de pénétrer l'univers des Brésiliens, auteur d'envolées Post Rock atmosphériques et lourdes à la fois, consommées certes (Godspeed You ! Black Emperor n'est pas toujours très loin) même pour un néophyte, il n'en va pas de même pour les nappes bourdonnantes tricotées par le Canadien que ses fans découvriront pourtant ici dans un registre presque accessible eu égard à certains de ses travaux passés !
La première partie de la rondelle offre au collectif de Sao Paolo l'espace pour libérer une trame cotonneuse. Ces trois morceaux sont assez longs mais dynamiques, à l'image de "Tahrir", montée en puissance déchirante égrenée par des guitares aussi épurées que célestes, tandis que "Diluvium", tout d'abord d'un calme minimaliste, s'emballe lors d'une seconde moitié plus Heavy, ourlée de claviers dont la dimension hypnotique arrime ses auteurs à la scène progressive. A chaque fois, Labirinto reste fidèle à ce schéma, à cette construction en forme d'élévation émotionnelle, éprouvée mais totalement maîtrisée et foyer d'une beauté un peu rêveuse à des années lumière donc de la musique trippante de Thisquietarmy qui surgit après une courte transition Ambient, manière de signifier ce passage vers un autre monde.
Ce glissement s'opère en douceur, par petites touches progressives. "Eclipse" installe ainsi pour commencer un climat presque rassurant. L'homme coule ses émanations bruissantes dont il a le secret dans une atmosphère teintée d'étrangeté, d'un paisible trompeur. Mais "Path To Illumination" se veut déjà plus intriguant en cela qu'il crée une espèce de malaise diffus, abscons pour beaucoup, d'une portée obsédante pour ceux qui savent goûter la saveur désincarnée de ces ondes Drone perturbantes. On descend d'une marche supplémentaire avec "World Protest" et ses atours grésillants et répétitifs qui semblent aller nulle part avant de céder la place au bruitiste et bien nommé "Abandonement".
A l'arrivée, voici un split très intéressant, fruit de l'union de deux projets qui le sont tout autant, plus facile pour l'un (Labirinto), plus singulier pour l'autre (Thisquietarmy donc). Mais on aurait tort d'ignorer le second, architecte d'une oeuvre très personnelle dont ces titres constituent un aperçu somme toute confortable.