L'univers des musiques modernes et extrêmes ressemble au monde du temps des Grands Explorateurs. C'est un milieu rempli de dangers et de perte de repères, de codes que l'on ne comprend pas. S'intéresser à cette scène, c'est aimer voyager, c'est vouloir aller voir toujours plus loin ce que l'on peut faire, et jusqu'où on peut aller dans l'expérimentation. Mais on aura beau avoir vu des paysages variés et rencontrer des cultures étranges, parfois on se heurte à un mur. Duobetic Homunkulus est ce mur.
On est confronté d'entrée à une barrière culturelle : le duo nous vient de République Tchèque, et dès la lecture du titre de l'album (qu'on sera bien en peine à traduire, même Google Translate n'est d'aucun secours...) et de ceux des morceaux, on comprend qu'il sera difficile de rentrer pleinement dans ce premier effort du groupe. Un mot d'ordre en tout cas : la perte de repère ! Wokis (guitare) et Walis (basse) jouent un death métal technique entièrement axé sur la déconstruction des structures, qu'elles soient rythmique ou mélodique. Ils incorporent par-dessus des sons, bruits, paroles dissonantes, prenant totalement à contre pied l'auditeur, dans un gloubiboulga sonore. Pour illustrer la chose, on pourrait décrire "Ani já ani ty robit nebudzeme, šedneme do koca, vozit še budzeme" ainsi : prenez un groupe de djent, comme Meshuggah, Periphery ou TesseracT, enfermez-les dans une boîte de jouets pour enfants, et rajoutez en fond les actualités de la télévision tchèque.
Le groupe s'appuie sur des codes typiques du djent, avec des signatures rythmiques changeant toutes les 4 mesures, des guitares très saccadées, appuyant la batterie, des soli techniques. Dans l'ensemble, la production est très propre et l'ensemble sonne très moderne. Les musiciens sont très doués, et les plans intéressants se multiplient. Mais c'est justement le défaut de cette production, c'est qu'ils se multiplient à l'excès. Souvent, en moins de 30 secondes, une dizaine de riffs et mélodies se succèdent, sans que l'on ait pu vraiment en profiter. Il faut donc revenir sans cesse sur l'album pour arriver à en capter l'essence. Mais le tout est rendu très indigeste non seulement par l'absence totale de structure mélodique, mais aussi par l'ajout de sons incongrus : des petites mélodies façon mobile pour bébé, des orgues et des pianos qui ne se calent pas vraiment sur la musique, un bout de fanfare et de chants folkloriques tchèques. Alors certains y trouveront là une démonstration de créativité, mais l'écoute devient un vrai exercice de concentration pour arriver à rassembler toutes les pièces du puzzle.
Difficile de juger réellement cet OVNI musical, que l'on pourra rapprocher de la folie d'un Fantômas ou de l'univers barré de Hypno5e : il est évident qu'il y a là une vraie recherche, et que tous les petits bouts qui composent les morceaux n'ont pas été mis là par hasard. Mais on nage complètement à contre-courant, et il faut faire un effort permanent pour ne pas passer à côté de cet album. A considérer comme une pièce d'art moderne.