Le label Mals s’est fait une spécialité de nous faire connaître des musiques russes et il faut bien l’avouer, si les groupes polonais font depuis longtemps partie du paysage progressif, les productions russes se font beaucoup plus rares. Voici donc le dernier avatar du groupe Lantinor, un quatuor qui n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il a déjà plus de vingt années d’existence et deux albums studio à son actif.

Difficile de qualifier “Ensign of Fairies - Book 1” ... le terme le plus approprié est sans doute “pittoresque”. De par le côté résolument 70's d’abord, avec ce foisonnement, ce collage d’idées musicales parfois sans grand rapport entre elles, agrémenté de nombreux changements de rythmes et de tonalités, un peu à la façon dont procédait Yes au début de son existence. On a quasiment l’impression que ces Russes découvrent les charmes de la musique progressive, avec toute la liberté que cela peut comporter.

Avec des sons vintage et une production un peu imprécise, la lisibilité de la musique n’est pas toujours évidente, mais il y a un allant qui rappelle la créativité débridée d’il y a (mon Dieu !) quarante ans. Avec la longue suite éponyme composée de quatre titres de grosse durée (entre 8 et 21 minutes), Lantinor laisse libre cours à sa fantaisie avec des relents parfois folk ou médiévaux (part2) ou prog classique (le Camel-des-débuts-like de la part 3), le tout entrecoupé de breaks parfois assez brusques tenant plus du collage que de la transition.

Sommet du pittoresque, le chant cristallisera toutes les critiques. Si le dernier titre est en Anglais (avec un redoutable accent syldave quand même ...), la suite Ensign of Fairies est entièrement délivrée en russe avec des intonations très typées, une expressivité outrée et force roulements de “r”. Autant le dire, ça passe très moyennement, les lignes vocales n’étant déjà pas des plus mélodiques (spécialement dans la part4). Les instrumentaux, quant à eux, sont souvent réduits à la démonstration, plutôt que de s’épanouir dans des développements recherchés (Jerica).

Aussi, passé le premier moment d’amusement intrigué, l’auditeur se retrouve-t-il à sourire devant la maladresse de cet opus pas toujours maîtrisé qui surprend venant d’un groupe d’expérience. Lantinor ne contrôle pas encore (toujours pas ?) les codes d’un progressif bien mené, faute d’une cohésion plus étroitement construite. Dommage pour les nostalgiques qui continueront à regretter les insolentes réussites “ingénues” du début du Prog’ !