En 2006, Mastodon arrive à un tournant de sa carrière. D'abord, le groupe change de label et passe chez Warner, de quoi effrayer les fans qui après les brûlots qu'étaient "Remission" et "Leviathan" s'étaient habitués à une musique libérée de toute contrainte, indépendante dans l'esprit et indéniablement sauvage. Ensuite, la sortie de ce troisième album, "Blood Mountain", est une nouvelle étape dans l'évolution de leur musique car Mastodon va ici tutoyer le progressif avec des compositions moins agressives, plus mélodiques et plus complexes que par le passé.
On retrouve une pochette très travaillée pouvant évoquer Janus, le dieu à trois têtes de la mythologie romaine, mais l'album est conceptuel et fait partie de la fameuse tétralogie tournant autour des éléments, "Remission" représentant le feu, "Leviathan" l'eau et "Blood Mountain" la terre.
'The Wolf Is Loose' ouvre l'album et aura rassuré tous les fans de l'époque avec son riff introductif ultra bourrin et le chant éraillé de Troy Sanders. Mais le titre se révèle petit à petit, dévoilant une structure en tuilage ou les motifs et riffs s'entrecroisent pour former un tout d'une complexité et d'une densité impressionnante (9 riffs différents sur à peine 3 minutes 30 !) à la manière de la partie centrale de 'The Last Baron', tiré de l'album suivant. Tous les morceaux ou presque sont composés de cette manière, l'auditeur se perd au milieu de développements techniques qui sont autant de chemins et de manières d'appréhender chaque perle de ce "Blood Mountain". Les lignes tout autant que les techniques de chant sont bien plus travaillées que par le passé, l'alternance de Brent Hinds et Troy Sanders fournissant une grande diversité vocale, d'autant plus que cet album est le dernier à intégrer des chants gutturaux ('Crystal Skull').
Est-il nécessaire d'aborder la technique des musiciens, tant la maîtrise de leurs instruments est une évidence ? Brann Dailor bonifie son jeu de batterie alors que ceux entre les deux guitares sont très fins, magnifiant la plupart des motifs exposés.
L'aspect atmosphérique, partie intégrante de la future musique de Mastodon, fait ici son apparition sur des titres tels que le superbe 'Sleeping Giant', 'This Mortal Soil' ou encore 'Siberian Divide', aptes à poser des ambiances envoûtantes sans pour autant renier la violence inhérente de ce que l'on pourrait qualifier de Stoner Progressif. En jetant un coup d'oeil à la tracklist, on peut apercevoir que le morceau final, 'Pendulous Skin' dure plus de 20 minutes mais ce n'est malheureusement pas une longue suite épique comme Mastodon avait l'habitude d'en composer par le passé. C'est au contraire un énorme clin d’œil, le morceau étant en réalité une superbe ballade toute mélancolique durant à peine 5 minutes terminée par la lecture d'une lettre de Josh Homme (leader des Queens Of The Stone Age) témoignant de son admiration pour le groupe avec beaucoup d'humour.
Un léger cran en dessous du chef d'oeuvre que sera "Crack The Skye", "Blood Mountain" est un album difficile à appréhender auquel il faudra laisser tout le temps de se révéler au travers d'écoutes répétées. C'est à partir de cet album que Mastodon devient plus subtil et ajoute cette fameuse touche progressive qui caractérisera sa musique si particulière à la croisée de plusieurs styles.