Trois ans se sont écoulés depuis le médiocre "Secret Messages". Kelly Groucutt a quitté Electric Light Orchestra dès la fin de l'enregistrement de cet album et les autres membres songent sérieusement à des carrières individuelles et sont sur le point de se séparer. Mais le groupe doit un dernier disque à CBS avant que chacun ne puisse reprendre sa liberté. C'est donc sous la forme d'un trio (Jeff Lynne, Bev Bevan et Richard Tandy) que se présente ELO pour enregistrer "Balance Of Power".
La genèse de cet album en explique la piètre qualité, pour ne pas dire l'indigence. Il s'agit d'un album de commande, d'une simple obligation contractuelle et les musiciens sont aux abonnés absents. On ne ressent pas la moindre implication, pas une once d'enthousiasme d'un bout à l'autre. Jeff Lynne assure la quasi-totalité des instruments, laissant à Richard Tandy quelques dégoulinements peu réjouissants de synthés. Bev Bevan, qui s'est déjà décidé à rejoindre Black Sabbath, s'est mis en mode "boîte à rythmes" et accompagne tous les titres d'une cadence métronomique particulièrement agaçante, secondée d'une basse monolithique. Bien que les titres soient courts (un seul dépasse les quatre minutes), chacun semble ne plus en finir, preuve du peu d'enthousiasme qu'ils suscitent. L'album est d'ailleurs le plus court de tous ceux d'ELO (à peine 33 minutes pour 10 titres) mais on serait mal avisé de s'en plaindre.
ELO a abandonné la velléité de surprendre, de casser les rythmes, d'introduire des éléments exogènes. Les mélodies déroulent leur alternance couplet/refrain mécaniquement et seule la qualité d'écriture de Jeff Lynne sauve l'album du désastre complet. L'orchestre a définitivement disparu et les quelques intrusions d'un sax, pour sympathiques qu'elles soient, ne suffisent pas à combler le vide laissé par les cordes. Seul titre à rompre la monotonie, 'Endless Lies' bénéficie de quelques variations, quelques enluminures dont Jeff Lynne a le secret. Ce titre, avec ses cassures de rythme, ses parties chantées avec conviction, fait figure de miraculé. Pas délirant, mais au royaume des aveugles, ne dit-on pas que les borgnes sont rois ?
Si "Secret Messages" avait laissé un goût amer aux fans du groupe, "Balance Of Power" vient leur porter le coup de grâce. Après une riche carrière, ELO semble ne plus rien avoir à dire et referme pour de nombreuses années une page qu'il aurait peut-être dû savoir fermer plus tôt.