Les plus jeunes de nos lecteurs n'ont probablement pas souvenir de la période dorée des années 90 durant laquelle les deux labels phares du néo-progressif, SI Music et Cyclops, multipliaient les sorties (de plus ou moins bonne qualité noteront certains esprits grincheux) à une époque où l'autoproduction, le home studio et la diffusion par Internet n'étaient pas ou peu de ce monde. Parmi les formations "stars" du label anglais, Grey Lady Down se distinguait par un progressif accessible mais non dénué d'ambitions, ainsi que par le timbre particulier de son chanteur Martin Wilson.
Alors que le groupe s'est récemment reformé et annonce un nouvel album, le premier depuis 11 ans, Martin Wilson vient d'annoncer son départ au moment où The Room, son projet parallèle monté en 2010 avec Steve Anderson, autre membre éminent de GLD, publie son premier album.
Avec un tel background, difficile de ne pas prêter le flanc au jeu des comparaisons, et l'entame de Open Fire avec Flesh and Bone renvoie directement aux publications antérieures de Grey Lady Down, et plus particulièrement à Forces. Centrées sur la mélodie, les neuf compositions déroulent un néo-progressif … de vingt ans d'âge (ce qui peut paraître paradoxal au vu de la qualification employée, mais peut-être faudra-t-il un jour trouver un substitut à ce terme de néo-progressif ?) où se mêlent harmonieusement les différents instruments.
Point ici de profusion de thèmes ou de rythmiques complexes. Seules quelques harmonies dissonantes viennent de temps à autre perturber le charme qui émane des différent titres portés "à bout de voix" par Martin Wilson, tandis que les instrumentistes restent chacun dans un rôle d'accompagnement sobre mais efficace, que même les traditionnels soli de guitare plutôt réduits ici à des ponts instrumentaux façon Saga, ne viennent guère perturber. Seul Icu sort quelque peu du lot, proposant une tonalité agressive avec un chorus aux accents métalliques et un final percussif qui détonnent légèrement par rapport au reste de l'album.
Au détour des différents morceaux, de nombreuses réminiscences néo-progressives viendront titiller l'oreille de l'auditeur, comme par exemple les claviers de A Casual Believer, semblant s'être évadés d'un album de Clepsydra, ou encore la construction de l'excellent 16 Tonnes, sans surprise mais très efficace grâce à sa mélodie attachante et sa progression instrumentale dynamique. Un dernier mot pour souligner la qualité de la production, sobre mais efficace, qui permet de distinguer clairement chaque instrument et de profiter pleinement de la qualité de composition du quintet.
Sans révolutionner le genre, The Room nous propose un album sympathique typique du courant néo-progressif des années 90, constitué de morceaux accessibles sans être simplistes, dont l'écoute contentera les amateurs de musique mélodique et désespérera une fois de plus les réfractaires au style.