Longtemps cantonné aux démos qu'il a multiplié comme d'autres les pains, Rote Mare semble maintenant vouloir rattraper le temps perdu, aidé par le succès de Serpents Of The Church, sa (tardive) première hostie (très) longue durée. Ainsi, le split qu'ils ont partagé avec leur compatriote Dire Fate a peine sorti du four, les Australiens sont déjà de retour ! Et doublement qui plus est ! Car ce n'est pas un album mais deux dont ils accouchent aujourd'hui. Et quand on sait que, en dignes frères spirituels de feu Reverend Bizarre, ils ne peuvent concevoir une galette de moins 60 minutes, on ne peut qu'être impressionné par le travail abattu débouchant sur plus de deux heures de musique !
Edités par le propre label de Phil Howlett, l'incontestable leader de cette formation d'ailleurs démarrée en 2005 sous la forme d'un one-man band avant de devenir un vrai groupe quatre ans plus tard, il apparaît légitime de considérer The Invocation et The Kingdom comme les deux faces d'une même pièce tant ils se répondent par de nombreux détails. L'artwork à la symétrie évidente, la présence dans leur menu respectif du titre éponyme emprunté à l'autre, "The Kingdom" figurant sur The Invocation et vice-et-versa et tout simplement le fait que l'ensemble soit issu d'un même processus d'écriture témoignent ainsi de cette quasi gémellité. Si au départ, certains titres étaient destinés à remplir d'éventuels futurs splits, leurs auteurs ont finalement décidé de ne pas les séparer, blocs massifs qu'il convient pourtant toutefois d'aborder de manière distincte car aussi complémentaires que différents l'un de l'autre.
Commençons pas The Invocation, le premier des deux, illustration parfaite du Doom que sculpte Rote Mare, démesuré dans son expression orthodoxe du genre. A ce titre, "Nothing" mérite tous les louanges, pavé de 14 minutes biberonné au Sabbath originel (quoi d'autre ?), miné par un sentiment d'inexorabilité absolu dont le vecteur est le chant, superbement douloureux, de Phil Howlett, lequel y fait montre d'une puissance émotionnelle qu'on lui connaissait encore peu. Le groupe y délivre une leçon de Doom, sentencieux, solennel, dont aucun kyste ne vient jamais en altérer la pureté. Pas d'accélération salvatrice, seulement une trajectoire simple qui jamais ne dévie de sa funeste destination.
S'ils savent être plus directs, comme l'illustre le resserré "Holocaust", reprise transcendée de Big Star, ou le presque rapide (pour du Doom, s'entend) "The Furthest Shore" et faire affleurer leurs racines Heavy à l'image du cri aiguë digne de King Diamond déchirant les premières mesures de "The Kingdom", les Australiens impriment tout du long un down tempo mortifère, atmosphère d'une noirceur occulte qui doit aussi beaucoup à la voix du maître des lieux, parfois plus Evil qu'à l'accoutumée, plus rugueuse également ("The Stones Of Blood", "The Serpent").
Avec son faux-frère jumeau, The Invocation forme un ensemble imposant, d'une grande unité. C'est beau, tout simplement.