L'ampleur de la discographie de Sula Bassana, tout projet confondu, n'a d'égale que sa rareté. En effet, nombre de ses albums, capturés à une époque où sa renommée était encore confidentielle, se révèlent désormais introuvables alors même que ceux-ci sont de plus en plus demandés suite au succès grandissant du bonhomme depuis la mise en branle d'Electric Moon.
C'est pourquoi nous ne pouvons que saluer l'initiative de l'Allemand qui vient de sa lancer dans la réédition - numérique seulement - de certaines de ses pépites épuisées qu'il est maintenant possible de se procurer en téléchargement pour la modique somme de 5€. Quand bien même ce format ne remplacera jamais un support physique et qu'on regrettera donc que ces vestiges n'aient pas bénéficié du même traitement (de faveur) que Dreamer, lequel a eu droit à une seconde édition en bonne et due forme, pouvoir (re)découvrir Endless Winter et Silent Music, respectivement gravés en 2006 et 2009 par un Sula seul à la barre, reste le plus important.
Le premier d'entre-eux, puisque c'est de lui dont il s'agit dans cette chronique, possède la particularité d'avoir en grande partie été improvisé sur deux jours, précisément les 21 et 22 mars 2006. Touche-à-tout et Multi-instrumentiste, Dave Schmidt (son vrai nom) l'a enregistré avec un matériel rudimentaire (une guitare, quelques effets) et sans overdubs. Cette conception détermine le caractère forcément brut, voire minimaliste de cet album dont les ambiances mélancoliques se nourrissent autant de l'isolement d'un musicien solitaire que de cette épure sonore.
De tous les disques enfantés par Sula Bassana, Endless Winter s'avère un des plus émotionnels et un des plus tristes surtout. Nombre de détails soulignent ces traits, du visuel automnal aux titres des morceaux ("Fields Of Snow"). Entièrement instrumental, l'album baigne tout du long dans un climat empreint de tristesse, englué par cette désolation qu'accompagne toujours l'hiver. Ce sentiment trouve son expression la plus absolue avec "Crystal Cold", complainte aussi répétitive que squelettique dont les presque 18 minutes au compteur errent à la lisière de l'Ambient. Tout d'abord dynamique et atmosphérique durant ses deux premiers titres, le menu se drape peu à peu d'un voile teinté d'étrangeté. La musique semble se diluer, perdre son aspect palpable pour des sonorités quasi expérimentales tapissées par une paire d'instruments de plus en plus désincarnés.
L'opus se veut aussi celui parmi l'oeuvre de son auteur où l'influence de Manuel Göttsching parait la plus nette. Bien que plus nébuleux dans sa seconde partie, "Endless" témoigne de ce tribut, piste monumentale où la guitare de Sula Bassana, toutefois reconnaissable entre mille avec ses accords noyés sous des effets psyché, se pare de ces oripeaux stratosphériques typique du fondateur d'Ash Ra Tempel. On pense alors par exemple à Inventions For Electric Guitar ou New Age Of Earth.
S'il n'est pas le disque le plus abouti de son géniteur qui s'y égare par moment dans d'interminables méandres, Endless Winter n'en demeure pas moins la matérialisation supplémentaire d'un talent aussi précieux qu'attachant.