Le nom de Poppy Ackroyd n'évoquera certainement rien à la majorité d'entre vous, celui d'Hidden Orchestra peut-être davantage (encore que), collectif singulier promenant son spleen entre musique Electro, pulsations Ambient et nappes jazzy où la jeune femme assure les claviers.
Escapement constitue sa première escapade en solitaire, logiquement publiée sous la bannière Denovali, accessoirement label de son principal port d'attache mais surtout refuge évident pour une artiste comme elle. De Blueneck à Aun, de Greg Haines à The Dale Cooper Quartet & The Dictaphones, l'audace de l'écurie allemande n'est plus à démontrer, produisant des albums qui font rimer réussite artistique et originalité, loin des modes et hors du temps. Bref, Denovali possède une identité forte, une signature qui est l'assurance de découvrir à chaque fois des créations uniques.
Ce galop d'essai ne déroge pas à la règle, collection de courtes pièces - le disque ne dure qu'une petite demi heure - que la londonienne a capturé au Durton Studio à Berlin, seule, accompagnée d'un piano et d'un violon, deux instruments dont elle joue remarquablement bien. Cet opus est a l'image de son écrin visuel, épure d'une beauté virginale ourlée d'une mélancolie profonde.
De cette partition s'échappe une rivière d'émotions, au cours tranquille, posé, mais qui néanmoins emporte tout avec elle. Entre les mains de Poppy Ackroyd, piano et violon deviennent les pinceaux d'une toile aux couleurs délavées, pastel diaphane de paysages empreints d'une tristesse automnale ("Rain"). "Grounds" atteint même des sommets douloureux.
Bien que resserrées sur trois ou quatre minutes, rarement davantage, ces compositions entre musique classique et respirations electro ("Lyre"), s'apparentent à un vrai travail d'orfèvre, plus riche qu'il n'y parait car basé sur une stratification de pistes aboutissant à un véritable orchestre de chambre en miniature que secondent des percussions discrètes mais au rôle essentiel en cela qu'elles soulignent la délicate force hypnotique de cet ensemble à cordes. "Seven" ou "Glass Sea" illustrent ainsi ce mariage organique et percussif. Le résultat, drapé dans une prise de son d'une belle pureté, est superbe, écrit à l'encre grise du désenchantement, intimiste et palpitant d'une sève sensorielle.
Nous ne pouvons que vous inviter à découvrir cette artiste au talent immense. Escapement porte bien son nom, échappée douce-amer aussi captivante qu'envoûtante, touchant l'âme autant que le coeur.