Après un nouvel album sorti l'année dernière après dix années de silence, F2 Music a eu la bonne idée de rééditer les cinq premiers disques de Citizen Cain parus entre 1993 et 2002. Ce groupe a souvent été comparé à un ersatz de Genesis et de Marillion, non sans quelques raisons. Le rock progressif symphonique et luxuriant dont nous gratifient les écossais et le timbre de Cyrus très proche d'un Gabriel ou d'un Fish réveillent immanquablement un écho familier au fond des oreilles de tous ceux qui auront accompli leur croissance musicale à grands coups de "Foxtrot", "Selling England" et autres "Misplaced Chilhood".
"Somewhere But Yesterday" se situe dans la continuité de "Serpents In Camouflage" et il ne faut pas s'attendre à de grandes innovations. Les titres légèrement plus longs restent attachés à un rock symphonique et théâtral truffé de fréquents changements de thèmes récurrents. Ceux-ci nécessitent d'ailleurs plusieurs écoutes pour trouver ses marques, effort indispensable si on veut apprécier ce disque. On ressort des premières écoutes avec une impression de confusion tant la musique est dense, le tempo élevé et l'enchainement des thèmes rapide, le groupe les empilant avec une fièvre stakhanoviste. Mais, une fois accoutumé, se dégagent alors des trames mélodiques fort agréables.
Si certains passages sont un peu trop tutti, allegro vivace et forte, à l'image du titre d'ouverture 'Jonny Had Another Face', Citizen Cain sait quand il le faut se faire plus intimiste, plus caressant, ou subitement inquiétant. L'addictif 'Junk And Donuts' alterne ainsi couplets calmes et refrains musclés, entre volutes de clavier, arabesques de guitare et notes perlées de flûte, offrant une palette allant du Genesis de la période Gabriel à celui de la période "Abacab", avec quelques touches de Jethro Tull et de Fish ('The Company'). Le jeu des comparaisons ne s'arrête pas là : 'To Dance The Enamel-Faced Queen' a bien des faux-airs de 'The Battle Of Epping Forest' et la longue suite-titre découpée en sept parties reprend sur celle intitulée 'All The Sin's Men' la fameuse progression rythmique d'Apocalypse in 9/8' de 'Supper's Ready', une suite en … sept parties.
Mais il serait injuste de résumer le disque, et ce titre en particulier, à un simple plagiat. 'Somewhere But Yesterday' (le titre) nous fait faire un bien beau périple en sept tableaux. Il y a d'abord l'intimiste 'Owls' auquel succèdent l'anguleux 'Obsessions', le chantant 'The Ballad Of Creepy John', le mélodieux et apaisant 'Echoes-The Labyrinth Penumbra', l'intense 'All The Sin's Men', l'empathique 'Farewell' et enfin le théâtral et bavard 'A Word In Your Ear'. Sur ce morceau comme sur tout l'album, le chant est omniprésent, les instruments fournissant un accompagnement riche et soyeux mais ayant peu d'espace pour s'exprimer librement. Aussi agréable soit l'interprétation de Cyrus, le chant en devient parfois envahissant et l'on se prend à regretter de ne pas pouvoir mieux profiter du jeu de musiciens loin d'être manchots.
Certes tout n'est pas parfait et au jeu des comparaisons avec son glorieux ainé Genesis, Citizen Cain manque parfois de la finesse, du grain de folie, du coup de génie mélodique dont la bande à Gabriel ne s'est jamais départie sur ses quatre premiers albums. Mais "Somewhere But Yesterday" a bien du charme et suffisamment d'atouts pour plaire à tous les nostalgiques d'un prog comme on n'en fait plus.