Difficile de cerner la personnalité musicale de Violent Silence. Si l'on en croit les écrits de mes collègues de Music Waves sur les albums précédents, l'un l'assimilait à un ersatz de King Crimson à cause de certaines dissonances ("Violent Silence", 2003), l'autre y retrouvait les paysages atmosphériques de Mogwaï ou Tangerine Dream ("Kinetik", 2005). Le troisième album du groupe, "A Broken Truce", a quant à lui les effluves d'un bon vieux Yes coincé quelque part entre "Tales From Topographic Oceans" et "Relayer".
Comment un groupe peut-il arriver à évoquer trois univers si différents au fil de trois albums ? La réponse tient certainement à ce sentiment d'avoir affaire à un groupe qui s'attache à reproduire de son mieux toutes les ficelles qui caractérisent le rock progressif. D'où un certain manque de personnalité et les comparaisons instinctives nées des univers qu'ils revisitent. Néanmoins, si "A Broken Truce" évoque Yes, c'est par touches pastel. On est loin des fac simile d'un Glass Hammer par exemple. Mais l'utilisation des chœurs, les claviers virevoltants, le côté solaire de la musique, la ligne de basse mélodique, tout rappelle irrésistiblement le groupe de Jon Anderson. La complexité en moins. Car là où Yes multipliait les lignes mélodiques pour aboutir à un ensemble cohérent d'une grande densité, Violent Silence se contente d'enrichir une structure basée sur l'alternance couplet/refrain d'une ou deux variations et de quelques digressions instrumentales. Ce procédé présente le double avantage d'introduire suffisamment de variété dans des titres plutôt longs (entre 10 et 15 minutes) tout en permettant à l'auditeur de mémoriser facilement les mélodies par le format "chanson allongée".
Si la composition du groupe est originale avec la présence de deux claviers titulaires, parfois renforcé d'un troisième tenu par le batteur, et l'absence de guitare, cela ne se ressent pas vraiment à l'écoute. Certes la basse est peut-être moins cantonnée à un rôle rythmique et livre de belles lignes mélodiques. Mais les claviers restent dans un rôle traditionnel et ne se livrent pas aux duels homériques que l'on pouvait espérer d'une telle configuration. Les passages au piano, à l'orgue ou aux synthés se succèdent ou se superposent sans être vraiment mis en valeur, mais ont le bon goût de ne pas phagocyter l'espace. Ce qui n'est pas toujours le cas d'une batterie parfois mixée trop en avant et dont les roulements ininterrompus finissent par lasser.
Même si l'on peut regretter un côté un peu superficiel qui ne suscite que peu d'émotion, les qualités mélodiques des titres sont incontestables. Pas de frissons, mais un apaisement né de jolis arrangements. Une musique faite plus pour le plaisir des oreilles que celui de l'âme. Et malgré une trame assez linéaire, peu de rupture de rythmes et une pénurie de nuances, l'écoute de "A Broken Truce" procure néanmoins un plaisir bien agréable qu'il serait sot de bouder.