Ayant vu la nuit en 1999 sous le nom éphémère de Labdacides, cela fait donc quelques années que Bliss Of Flesh promène son art noir gorgé d'un stupre Death Metal sans atteindre l'aura qu'il mérite pour autant. Une poignée de courtes hosties plus tard, entrecoupée d'un changement notable de chanteur (l'ex Latrodectus Necurat remplaçant plutôt avantageusement l'ex Merrimack, Lord Fafnir) Emaciated Deity était pourtant plus que le simple galop d'essai d'une bande de musiciens chevronnés. Il a en effet marqué au fer rouge (sang) la chapelle noire hexagonale, se hissant sur le trône impie aux côtés d'autres méfaits de la même obédience, notamment celles de Temple Of Baal ou de Merrimack justement.
Annoncé depuis presque deux ans, son successeur aura donc tardé à raviver la plaie laissée béante par cette première offrande. Alléchés par une performance aussi intense que charismatique à Paris en octobre 2012, nous désespérions de pouvoir enfin savourer les pervers assauts de Beati Pauperes Spiritu. Publié sous la jeune bannière Non Serviam Records (Death Tyrants, Grief Of Emerald), celui-ci est maintenant près à tout détruire sur son passage, bête malfaisante propulsée par un torrent de haine.
Ces années de silence ont été profitables à un Bliss Of Flesh toujours aussi brutal, préférant les coups de boutoir malsains aux léthargiques macérations mais surtout plus ambitieux dans son expression fielleuse d'un satanisme à la dimension vicieuse et bestiale. S'il n'a pas vraiment appris à serrer le frein à main hormis le temps de perforations rampantes ("Possessed", "Disciple"), le groupe n'hésite pas à se lancer dans l'érection de saillies extrêmement travaillées, façonnant un art à l'intensité âpre et sulfureuse.
Black Procession fait fi des préliminaires de rigueur et sème une dévastation imparable que renforce une écriture toujours au cordeau. Cette démoniaque vigueur ne faiblira pas jusqu'à l'ode rapide et terminale, laquelle meurt néanmoins sur un solo aussi mélodique que jouissif. On tient d'ailleurs là une des particularités de Bliss Of Flesh qui sait couler des lignes de guitares étonnamment techniques aux allures de pieux dans une orgie de noirceur blasphématoire qu'incarne Necurat, chanteur à la présence d'un magnétisme pervers.
Cette copulation atteint le point G lors des 8 minutes que dure "Forgotten Epitaphs". Passée une introduction acoustique que hante un violon sinistre, le titre s'emballe ensuite, panzer à la puissance viscérale lancé à une vitesse infernale et vibrant d'ondes d'une négativité poisseuse. Loin d'en altérer la tranchante brutalité, les breaks, tout comme la présence en cours de route de cordes dissonantes, appuient au contraire sur une poche de vice, pus chargé d'une malignité absolue dont s'abreuve cette voix possédée que dégueule un chanteur qui ne feint pas son allégeance aux ténèbres.
Avec Beati Pauperes Spiritu, la Bête a réussi son retour, livrant un album à la hauteur de l'attente suscitée par Emacieted Deity dont il est le rejeton plus élaboré mais d'une noirceur toute aussi survoltée.