Peu importe que cette nouvelle livraison estampillée Earthless ne soit qu’un live, alors même que les Américains et nonobstant de nombreux splits avec Witch, Danava ou White Hills, n’ont (toujours) pas offert de véritable album depuis 2007. Troisième opus longue durée, From The Ages, dont la sortie est désormais imminente, ne tardera plus heureusement à rompre cette interminable abstinence. Peu importe que ce Live in Guadalest arrive après le démentiel Live At Roadburn. Peu importe que les deux titres qui le composent figuraient déjà au menu de son devancier. Peu importe que cette performance espagnole commence à dater un peu maintenant puisque capturée en 2009.
Peu importe donc car l’essentiel est ailleurs, dans l’existence même de ce signe de vie scénique d’un groupe qui prend en réalité toute sa (dé)mesure sur les planches d’une salle de concert, cadre pour lequel est taillé son Rock psyché instrumental. Qui a déjà eu la chance d’assister à un de ses happenings sonores s’en souviendra à jamais, la seule évocation de ces souvenirs charriant des frissons de plaisir que très peu de formations sont capables de déclencher. Formé en 2001 par un power-trio comme dans la belle tradition du genre et demeuré inchangé depuis, Earthless s’avère aussi avare en sortie discographique qu’il se montre volubile sur scène, libérant une véritable logorrhée instrumentale que rien ne semble vouloir stopper si ce n’est des impératifs horaire.
Démonstration avec cette performance du feu de dieu laquelle repose sur deux pistes aux allures de rampe de lancement qui s’étirent respectivement sur 31 et 22 minutes. Alors inédite en studio, "From The Ages", la première d’entre elle, figurera comme l’indique son nom, sur le nouvel album du groupe. Il sera à ce titre intéressant de voir si ses auteurs sont parvenus à retranscrire sur bandes son l'énergie d'une jam suant de feeling. Sur scène, elle est un morceau de bravoure qui décolle très haut vers des sphères célestes, terrain de jeu de trois musiciens connectés les uns aux autres au point de se demander si le groupe survivrait au départ de l’un d’entre eux, quand bien même la performance du guitariste Isaiah Mitchell magnétise les sens, source intarissable d’orgasmes infinis et garanti 100% psyché. Pour autant, on ne saurait ignorer le socle rythmique que brode la paire constituée de Mike Eginton (basse) et Mario Rubalcaba dont la régularité rappelle le jeu métronomique d’un Ian Paice, assise sur laquelle s’appuie cette guitare mangeuse d’espace, noyées sous les effets.
Décontractés, les gars n’en sont donc pas moins hyper carrés. Fluides, les notes semblent couler, se répandre avec une grande liberté mais échappent pourtant au piège de l’improvisation stérile sans queue ni tête. C’est là tout le talent des Américains qui, en digne héritiers des années 70, usent de leurs compos aux contours volontairement nébuleux comme de pistes de décollage sans jamais ennuyer.
Malgré une prise de son plus brut de décoffrage, donc vierge d’overdubs, une durée plus courte et un démarrage, celui de "From The Ages" et une conclusion, celle de "Godspeed", abrupts, qui donnent l’impression que l’enregistrement est incomplet, ce Live In Guadalest n’a pas à rougir de la comparaison avec le Live At Roadburn, tous les deux indispensables.