De San Francisco, on connaît son Golden Gate Bridge, ses rues en pente, autant de décors dont le cinéma s'est très tôt emparé, on connaît aussi son effervescence artistique et notamment musicale. Neurosis, Worm Ouroboros, Hammers Of Misfortune, pour ne citer que trois exemples, sont tous basés dans cette ville californienne. Souvent talentueux, ces musiciens ne cessent de se croiser d'un projet à l'autre, à l'image de Kris Force, accessoirement âme d'Amber Asylum et avant tout violoniste habitée, jamais avare en collaborations précieuses. C'est donc sans surprise mais avec bonheur que nous la retrouvons au sein de Lux Interna, entité à géométrie variable formée en 2000 autour du couple Joshua Levi Ian/Kathryn Mary au sein duquel elle trouve naturellement sa place.
Pour ceux, les plus nombreux, qui ne connaîtraient pas cette formation, There Is Light In The Body, There Is Blood In The Sun se révélera sans doute être l'idéale porte d'entrée d'un univers empreint de mystère, naviguant quelque part entre Dark Folk hanté et Rock atmosphérique éthéré, americana tribale et magique ("Threefold"). Spirit folk reste sans doute la définition la plus juste d'une palette sonore dont les teintes boisées captent la beauté magique de la nature. En cela, le groupe se rapproche, plus au fond que dans la forme, de la frange néofolk US (Nechochwen) voire de ce qu’on appelle le Cascadian Black Metal. Le fait d’ailleurs qu’il soit désormais hébergé chez le label Peasant Urfolk est révélateur de cette connection plus spirituelle que musicale.
A priori à des années-lumière des décharges électriques qui nous sont si chères donc, avec lesquelles elle peut partager cependant une noirceur désenchantée commune, la musique forgée par les Américains repose sur un substrat essentiellement acoustique, quand bien même quelques accords saturés le sillonnent parfois, comme l’illustre avec discrétion "Tongues" que vrille une guitare aussi ferrugineuse que déglinguée.
De cette nature squelettique et forestière émane pourtant une puissance émotionnelle qui prend aux tripes. Des lignes vocales masculines graves et profondes, lesquelles ne sont d’ailleurs pas sans rappeler celles de Peter Bjärgö dans Arcana, parfois couplées à un organe féminin spectral ("Spiritloom", "Black Bird"), quelques cuivres, des percussions chamaniques suffisent à Lux Interna à sculpter un tertre douloureusement beau dont le sommet culmine lors du sacrificiel "Nida", pulsation d’une lancinance noire.
Bien que divisé en neuf titres, There Is Light In The Body, There Is Blood In The Sun possède une forte unité aux couleurs terreuses, certains passages étant repris plusieurs fois. Captant l'essence d'une nature magique et indomptée, c'est une oeuvre exigeante et belle, d'une ambivalence crépusculaire, bercée par une fausse tranquillité et qui palpite d’une sève obscure aux racines noueuses.