The Safety Fire est le cas typique de ces formations qui sur le papier ont tout pour percer mais dont le rendu réel est loin de faire l’unanimité. Grind The Ocean était une telle débauche d’énergie mal canalisée portée par un chant extrême rédhibitoire et pourtant, une signature chez le prestigieux label Inside Out, un mastering de Jens Bogren et de bonnes parties musicales étaient à mettre au crédit des anglais. Ceux-ci reviennent avec Mouth Of Swords, un an et demi seulement après le premier album.
La bonne nouvelle qui permet enfin d’écouter le disque jusqu’au bout sans que les prurits fassent leur apparition est l’abandon quasi-total de ce chant désastreux qui handicapait lourdement Grind The Ocean. Satisfaction qui ne simplifie toujours pas l’examen de Mouth Of Swords car l’énergie débordante de The Safety Fire ne s’est pas émoussée entre temps. Et selon les dires de Derya Nagle, si le disque est sorti aussi rapidement après son prédécesseur, c'est pour conserver intacte la puissance créatrice !
Sur les neuf titres que comporte Mouth Of Swords, huit réitèrent le schéma préféré des anglais, à savoir des parties touffues, souvent brouillonnes, qui s’ouvrent la plupart du temps sur des refrains mélodieux. Les guitares jouent la saturation dans les deux sens du terme, le type de grain comme le remplissage de l'espace sonore avec des riffs et phrasés complexes et incessants. La maîtrise de l'unisson des deux lames est impressionnante et ils le prouvent à de multiples occasions ("Red Hatchet" et le solo de "Old Souls").
On constate très peu de temps morts ou de respirations au milieu de cette déferlante de notes, d'autant que la basse et la batterie ne sont pas muettes non plus. Au delà des courts intermèdes insérés à mi-morceau ("Yellowism", "Glass Crush" et "Beware The Leopard"), seule la semi-ballade "Wise Hands" offre un répit salvateur qui permet en sus d'entendre les nuances harmoniques composées par Derya Nagle, celles-ci étant trop souvent noyées dans un maelström métallique.
Le paroxysme de la complexité est incarné par "The Ghosts That Wait For Spring", véritable acte de chirurgie métal progressif, aux séquences djent et atmosphériques, mais auquel il manque une mélodie de refrain. A l'issue des multiples écoutes un constat s'impose. Le chant de Mc Weeney, dont les pulsions criardes n'ont pas totalement disparues, n’est pas au niveau des trames musicales qui se suffisent presque à elles-mêmes (démonstration sur "I Am Time, The Distroyer" et "Old Souls").
The Safety Fire se place dans un credo pas encore bouché mais avec de forts représentants (Protest The Hero et Fair To Midland) et à l'heure actuelle il n'est encore qu'un outsider un peu fragile. Le chant, qui était le point noir de Grind The Ocean, s'est clarifié mais le quintet ne réussit pas à faire cohabiter la complexité de sa musique et l'harmonie vocale sans que le résultat n'apparaisse comme trop indigeste. The Safety Fire saura t-il rectifier le tir ou restera t-il prisonnier de ses travers ? Le troisième album du groupe sera décisif.