En dépit d'une carrière éphémère incarnée par un seul album éponyme (sans compter deux démos qui l'ont fait remarquer) et publié par Rise Above, le label de Lee Dorrian de Cathedral, Mourn a été un vrai vivier du Doom britannique, ce qu'il est d'ailleurs toujours. Hangnail, Solstice et Sloth hier, Purson ou Age Of Taurus aujourd'hui lui doivent tous au moins un de leurs membres, sans compter l'union naturelle avec la structure culte fondée par l'ancien hurleur de Napalm Death.
Ancien guitariste de Mourn donc, Alastair Ridell anime avec trois autres comparses au pedigree plus discret ce Age Of Taurus dont Desperate Souls Of Tortured Times est le galop d'essai que précédait In The Days Of The Taurean Empire, démo dans laquelle ses auteurs ont décidé de ne pas piocher, livrant ici sept nouveaux titres. Si sa pochette aux accents épiques où l'aspect patibulaire de son line-up semblent vouloir annoncer du lourd, du tellurique voire du méchant, l'écoute de ce premier album infirme très vite cette trompeuse vitrine, libérant un Doom Metal qui est certes forcément généreux en plomb mais surtout Heavy et franchement accrocheur aux entournures.
Le chant de Toby Wright se montre étonnamment mélodique et clair, contre-point de guitares quant à elles granitiques, foreuses acérées, enfonçant dans la terre de puissantes racines ("Sinking City") et tissant une toile aux fils épais comme des câbles de mélancolie. Le pachydermique "Embrace The Stone" et ses 8 minutes mis à part, ces morceaux présentent une allure trapue bien que massive, minée par une lenteur agonisante parfois, à l'image de "Walk With Me, My Queen", mais d'une rampante vélocité le plus souvent, ce qu'illustrent aussi bien "The Bull And The Bear" que "Always In The Eye", que zèbre un solo nerveux, pulsations trempées dans une mare de regret, dont le tempo aussi appuyé que soutenu n'en grèvent pas la minérale tristesse.
Moins noir et moins pesant que prévu, Desperate Souls Or Tortured Times n'en demeure pas moins un très solide album de Doom orthodoxe, typique de cette chapelle britannique, qui ne s'empêtre jamais dans une langueur répétitive ni dans une chape suicidaire, conservant au contraire une dynamique pesante et efficace. Allant à l'essentiel, Age Of Taurus a la bonne idée de ne pas dépasser les trois quart d'heure de musique, se souvenant que la durée idéale d'un disque reste plus que jamais celle imposée par le vinyle. Il fait plus qu'y confirmer le potentiel esquissé par sa démo séminale.