Pour ceux qui découvriraient Blackfield par le biais de cette chronique, rappelons qu'il s'agit d'un projet formé autour d'Aviv Geffen et Steven Wilson à l'issue d'une série de concerts donnés ensemble en 2000. Les deux hommes décident alors d'associer le sens de la mélodie pop du premier aux tonalités progresso-atmosphériques du second et livrent avec "Blackfield I et II" deux albums aux mélodies efficaces et racées.
Leur troisième album paru en 2011, "Welcome To My DNA", acte une mise en retrait de Steven Wilson, celui-ci se concentrant en priorité sur sa carrière solo tout en restant très attaché au projet. "Blackfield IV" voit cette tendance s'amplifier et l'implication de Steven Wilson devenir peau de chagrin : il ne compose aucun des titres de l'album, ne chante que deux titres mais tient la guitare et s'occupe du mixage de l'album, une tâche à laquelle il semble avoir pris goût avec ses remixes réussis des albums de King Crimson pour leur quarantième anniversaire d'existence.
Est-ce à dire que la qualité en pâtit ? Pas vraiment car Aviv Geffen possède un sens de la mélodie qui en séduira plus d'un. Simplement l'album prend une tonalité pop un peu plus marquée, Steven Wilson n'agissant plus comme contrepoids, mais une pop rock soyeuse, mélodique en diable, riche en orchestration de cordes. Les titres sont courts, voire très courts, et formatés couplet/refrain, à l'exception d'After The Rain' qui tourne autour d'une seule même phrase musicale. Ils se mémorisent donc avec facilité et réveillent de façon pavlovienne une sensation de bien-être immédiat. Plusieurs chanteurs invités viennent mêler leur voix à celles de Geffen et Wilson : Vincent Cavanagh (Anathema), Brett Anderson (Suede) et Jonathan Donahue (Mercury Rev) apportent ainsi la variété de leurs timbres respectifs tout en conservant une unité d'ensemble à la texture de l'album.
Le groupe picore ici et là dans le répertoire pop-rock romantique. Au fil des titres, on croit reconnaître Gilbert O'Sullivan ('XRay', 'Jupiter'), America ('Sense Of Insanity'), Coldplay (le final de 'Sense Of Insanity', 'Faking'), ELO et Jeff Lynne ('Jupiter'), et même les Beatles ('Kissed By The Devils'). Le léger manque de personnalité qui en découle et la brièveté inhabituelle de l'album (à peine plus de 30 minutes) sont les deux seuls véritables défauts d'un disque gorgé de mélodies fort agréables qui s'avère finalement d'une qualité plus constante que son prédécesseur.