Les premières notes de 'Classic Fool' mettront rapidement sur la voix. The Black Cadillacs, qui avait connu un petit succès avec un "All Them Witches" très jeune et spontané, vient de transformer l'essai. Basé à Knoxville, USA, ce groupe de jeunes talents a depuis peu le vent en poupe. Si son premier album ratissait large dans un Blues teinté de Soul, sorte de bric à brac de chansons aux inspirations encore parfois adolescentes aux dires de son chanteur Will Horton, "Run" fait preuve d'une belle prise de maturité.
Plus concis, rassemblé, il prouve que ses membres ont su digérer leurs nombreuses inspirations mais aussi lever le pied pour laisser l'ambiance s'installer. Et il est difficile de ne pas succomber au charme indéniable de la formation. Des textes vrais narrés avec toute l'âme et le talent de son leader ('Goodbye Fate' est un vrai poème), des mélodies fortes qui prennent le temps d'être exploitées, une ambiance solide et des guitares tout aussi mémorables dans la douceur languissante d'un Blues gorgé de Soul ('Would You Be So Kind', 'Goodbye Fate') que dans le Blues Rock le plus ouvrier des Black Country anglo saxonnes ('Run, Run', l'aiguisé et fuzzant 'Shade'), tout y est, saupoudré de cette épice magique appelée 'talent' et qui transforme un groupe sympa en compagnon fidèle.
Enregistré en studio en situation de Live,"Run" ne faiblit jamais et contient quelques morceaux de bravoure. Imaginez donc un bon groupe de Blues chaud et sec ayant mangé la disco des Stones et quelques Floyd au petit déjeuner. Ainsi la superbe 'I Know It's Hard' est un Blues électrique et languissant, au chant inimitablement bluesy et clair , garni d'un solo de guitare sorti tout droit de la besace d'un David Gilmour. Car c'est une nouveauté ici également, plusieurs slow tempo très bien négociés apportent de la profondeur aux propos du groupe même si quelques titres comme 'Run, Run' ou 'Choke' viennent taper plus dur, dans un style Blues Blanc à l'anglaise garni de guitare plus mordante et d'une rythmique plus appuyée.
L'interlude 'How You're Feeling' (rappelant une nouvelle fois Pink Floyd) exercice devenu trop rare ces dernières années sur un album studio est une pause idéale avant d'attaquer la seconde partie de l'album avec un '100 Guns' envoutant et habité et un 'Find My Own Way' déboulant avec son piano électrique à la Steve Winwood et qui envoie la sauce avec force et aplomb, rappelant au passage que l'ajout des claviers et piano pose une réelle ambiance tout au long de l'album.
Et puisque "Run" va tourner en boucle, autant conclure avec ces premières notes évoquées à l'ouverture. Débutant telle une douce ballade entre Blue Grass et Tenessee Blues aux couleurs passées elle s'enrichit d'une rythmique légère et d'une guitare à la Morricone portant les lamentations d'un Will Horton magistral ! De quoi vous donner envie de relancer la sauce aussi sec. Dieu que c'est bon !