Après avoir planté un clou des plus
prometteurs il y a deux ans de cela avec leur premier jet éponyme, les Danois
l'enfoncent franchement avec ce "Koder Pa Snor" qui surpasse son
aîné de la tête et des épaules.
Pour ceux qui ne connaissent pas ce groupe,
sachez que Valravn concote avec une réussite insolente une recette mêlant
ingrédients folkloriques et pulsations electro, le tout chanté en danois par
une gorge féminine que certains ont pu comparer à Björk. Mais cette
description, pour aussi juste qu'elle soit, ne livre qu'un aperçu forcément parcellaire d'une musique qui enjambe les frontières.
"Koder Pa Snor" débute
par le très folk progressif et hypnotique titre éponyme. Sept minutes de
bonheur, teintées d'une fébrilité évidente, emportées par cette langue à laquelle
on tombe très vite amoureux, surtout lorsque c'est une voix aussi riche en
relief que celle de Anna Katrin qui la déclame et qui peut aussi bien charmer que
secouer les oreilles. Suit le quasi trip hop 'Kelling' qui marie
boucles synthétique et instruments traditionnels.
Plus diaphane est en revanche
le mélancolique 'Sjon' que murmure une Anna plus posée. Avec le
groovy 'Kraka', Valravn nous emporte dans un tourbillon obsédant avec
toujours ces lignes vocales singulières mais poétiques. On est également séduit
par l'étonnant 'Seersken', percé par des notes de flûte et balisé par
des percussions accrocheuses, par le tragique 'Fuglar', où
paysage figé dans la tristesse folk et plastique hypnotique fusionne en un tout
décharné. 'Kroppar' déambule quant à lui le long du gouffre de la
folie, expression que véhicule le chant cette fois-ci déjanté de la jeune femme
sur fond d'effluves folkloriques.
Enfin, après 'Lysabild', qui voit
Anna être accompagnée par une organe masculin, morceau qui suinte comme tous
les autres ce même feeling désespéré, "Koder Pa Snor" meurt sur une
dernière et longue respiration, 'Farin ut tan verda verk', note
terminale et introspective qui l'enveloppe encore davantage dans un linceul de
glace.
Car on touche ici la qualité première de ce groupe envoûtant, dessiner une
musique qui, sur un substrat prisonnier d'une couche de givre, sait être
énergique tout en sécrétant un fluide emprunt de mélancolie prégnante. Le rock
alimenté aux influences folkloriques ne se conjugue pas forcément et
heureusement avec naïveté et joie de vivre. Valravn en témoigne. C'est ce qui
fait toute sa personnalité et tout son intérêt.
Bref, vous l'aurez compris, on
tient là une très belle découverte de la part d'un groupe dont le potentiel est sans doute encore à peine défloré. Une perle à la beauté automnale et
frissonnante.