Il fut une époque, période faste pour le grunge et Seattle, où Kurt Cobain accusait Pearl Jam d'être un groupe de carriéristes. Si l'intégrité du leader de Nirvana n'a jamais pu être remise en doute, son accusation continue de diviser, tout comme chaque sortie d'un nouvel album du combo mené par Stuart Gossard et Jeff Ament. Certains affirment que le quintet n'a rien proposé de réellement novateur depuis "Vitology" alors que d'autres répondent que nombreux sont les groupes à avoir construit une carrière sur un style les ayant rendus légendaires. S'il est vrai que Pearl Jam ne semble plus réellement se remettre en question depuis plusieurs opus, le fait est que la formule utilisée a fait ses preuves et que les Américains n'ont jamais vraiment déçu leurs fans. En même temps, lorsque l'on possède la Rolls Royce des chanteurs dans ses rangs, les choses sont plus faciles tant Eddie Vedder fait parti de ces rares interprètes capables de transcender n'importe quel titre en une pièce vous transperçant l'âme.
Voici donc "Lightning Bolt" qui débarque pour relancer les débats 4 ans après son prédécesseur ("Backspacer" – 2009). Contre vents et marées, les légendes de Seattle ne changent rien à une formule qui gagne, allant même jusqu'à garder une structure équivalente de leur tracklist d'albums en albums, concentrant les titres les plus dynamiques en première partie d'opus, la suite laissant la place libre à des pièces plus en délicatesse. Le premier single ('Mind Your Manners') rappellera 'Spin The Black Circle' sans que l'on puisse résister à ce titre survolté et corrosif. 'Getaway' ou 'My Fathers Son' n'apportent rien de neuf mais n'en sont pas moins accrocheurs alors que 'Lightning Bolt' renvoie à l'époque de "Yield" (1998) avec sa montée en puissance, son refrain explosif et un beau solo qui prend un peu de temps pour se développer.
Du côté des douceurs, 'Sirens', second single, se fait mélodique et poignant, montrant un Vedder dans son élément. Il est vrai qu'il est un des rares chanteurs capables de mêler puissance et fragilité dans certaines interventions pleines d'une sensibilité évitant le larmoyant ('Yellow Moon' ou 'Future Days' qui n'est pas sans rappeler le travail du chanteur sur la bande originale de Into The Wild). Et pour faire mentir les critiques reprochant l'absence de nouveautés sur les dernières livraisons discographiques de Pearl Jam, ce dernier nous dégaine un 'Pendulum' à l'ambiance aérienne et brumeuse, sombre et nonchalant, et sur lequel le chanteur offre une nouvelle démonstration. A noter également l'atypique 'Infallible' porté par la basse, s'appuyant sur des claviers omniprésents et se faisant à la fois moelleux et confortable. Si le Blues-Rock enjoué d'un 'Let The Records Play' peut surprendre avec ses touches à la limite du Rockabilly, il en demeure cependant plus anecdotique, tout comme un 'Sleeping By Myself' tiré de la discographie solo d'Eddie Vedder et revu à la sauce électroacoustique.
Certains considèreront "Lightning Bolt " comme un album de plus, sans plus ni moins d'intérêt que le reste de la discographie la plus récente de Pearl Jam. Il est vrai que cet opus ne déroge pas à la marque de fabrique d'un groupe qui a pour bonne habitude de sortir des albums d'une qualité jamais prise à défaut. Certes, il n'offre pas une grande remise en question, mais n'oublions pas que, là où certains ont définitivement disparu (Nirvana) et où d'autres ont traversé une longue période d'absence (Alice In Chains, Soundgarden), Pearl Jam est le seul groupe a avoir traversé les décennies sans jamais vaciller. Rien que pour cela, il mérite d'être remercié et respecté.