Après plusieurs albums potentiellement prometteurs mais ratés (dont ''Eleonore'' en 2008), le groupe au nom ridicule, The Black Noodle Project, accuse en 2011 le départ du bassiste Anthony Létévé et l’absence du claviériste Mathieu Jaubert. Jérémie Grima resté maître à bord s’enferme deux ans en home studio, avec l’aide réduite du guitariste Sébastien Bourdeix, assumant pleinement la direction artistique et les compositions de l’album ''Ghosts & Memories'', à l'image d'un Roger Waters.
''Ghost & Memories'' se décline comme un concept-album traitant du thème de la mémoire, en fait, la coexistence d'une mémoire actuelle et celle d'une mémoire remplie de souvenirs enfouis comme des épaves fantômes au plus profond de notre être. Ce duel conscient/inconscient et vie/mort se retrouve dans le choix de compositions dans lesquelles alternent des moments apaisants plutôt floydiens, principalement acoustiques et des moments plus menaçants, électriques (‘Shades of tomorrow‘, ‘Ghosts‘). Le piano sert ici de pont musical entre les deux mondes.
L'introduction paisible de la première piste 'The Wanderer of Lost Moments' captive mais est hélas écourtée car arrive une guitare qui s’en vient tout happer sur son passage. Ce que l'on pouvait naguère noter comme un défaut sur un ancien album devient aujourd'hui un gimmick fantastique à part entière : l’intrusion d’une force noire dans notre quotidien. Jérémie Grima appuie également son concept en choisissant une fluidité de composition qui permet à chaque titre de s’enchaîner sans heurt, à la manière d’un mouvement unique, cher à Aristote.
Malheureusement, le même défaut que sur les précédents albums se retrouve sur 'Ghosts & Memories' : le chant en anglais. La voix de Jérémie Grima, si elle peut se montrer mélancolique (‘’Shades of tomorrow‘ et son solo de guitare acoustique) est bien trop souvent en inadéquation avec la musique (‘The wanderer of lost moments’) ruinant la tension d’un morceau prometteur (’A purple Memory‘). Heureusement, la structure de l’album apparaît plus instrumentale, à l’exception d’un 'The Owls are not what they seem' avec sa voix d’outre-tombes qui cite Twin Peaks (‘’Fire walks with me’’). Cette dernière piste est de loin la meilleure de l'album avec une atmosphère en tension perpétuelle. Car cet opus peut s’écouter comme la BO d’un film, Jérémie Grima ne cachant pas son admiration pour Angelo Badalamenti ou John Carpenter. Pourquoi pas celle de Silent Hill, dans laquelle deux mondes s’interpénètrent et qui s’achève dans l’incertitude du combat mené à l'image de la fin brutale d’ ‘A purple Memory’ le plus long morceau, voire de la composition en spirale de ''Voice from Yesterday'' avec ses efficaces combo guitare/piano et guitare/batterie?
Depuis ses origines, The Black Noodle Project avance à taton en effaçant petit à petit les défauts qui gâchent une écoute passionnée et il nous livre ici son meilleur opus. Encore quelques efforts (pourquoi continuer à chanter en anglais?) et le prochain album, que l'on peut espérer symphonique, sera une réussite totale...