Si certains musiciens se montrent particulièrement productifs, ce n'est (malheureusement) pas le cas du norvégien Vali, guitariste de son état dont les créations se révèlent aussi rares que précieuses. Gravant presque coup sur coup entre 2004 et 2005 deux albums quintessentiels, d'une part "Forlatt" avec son jardin secret auquel il a donné son nom, et de l'autre le douloureux "De Glemte Tider" de Skumring, pierre angulaire du Doom atmosphérique, c'est un peu comme si depuis l'homme était entré dans une longue phase d'hibernation.
En attendant l'hypothétique résurrection du groupe qu'il forme avec la chanteuse Cecilie Langlie et après le bruissement que fut sa participation à la compilation "Whom The Moon A Nightsong Sings" en 2010 le temps du titre 'Hoestmelankoli', "Skogslandskap" marque enfin son véritable retour. Propice au recueillement, sa découverte impose une écoute posée et solitaire, quasi religieuse, seule manière d'apprécier comme elle le réclame cette somme constituée d'une vingtaine de courtes pièces à l'écorce acoustique, sans quoi celle-ci ne pourra totalement livrer les trésors qui se nichent dans le creux de son intimité boisée.
Les premières mesures de 'Nordavindens Klasesang", belles comme un chat qui dort et qui ouvre l'album, appelle le silence. On se tait et on écoute, transporté par ces arpèges aux couleurs forestières qui sonnent comme une invite, guide aux traits épurés nous entrainant dans la sente solitaire d'un bois peu à peu dépouillé par l'automne. Si ces respirations vibrent aux accents de la guitare du maître des lieux, d'autres instruments viennent se mêler à cette crépusculaire sarabande, tels le piano ou le violoncelle.
Ses racines squelettiques enfoncées dans la terre d'un sombre folklore, celui-là même qui a nourri de son essence mélancolique le "Kveldssanger" d'Ulver ('Stein Og Bark') ou le "Where At Night The Wood Grouse Plays" d'Empyrium ('Roede Blader'), opus matriciels auxquels on pense à son écoute, "Skogslandskap" est une oeuvre intimiste d'une belle pureté de touche et de traits, dont la beauté triste et diaphane touche l'âme autant que le coeur.
Malgré sa construction émiettée, il parait inutile de vouloir réduire le menu à une simple succession de petits morceaux, à la simplicité trompeuse, fruit d'une réalisation minutieuse, tant ceux-ci, homogènes et cristallins, fondent en un ensemble indivisible, longue et unique déambulation rêveuse et poétique, d'un romantisme pastoral, à la gloire d'une nature grave, empreinte de mystères, encore vierge de la souillure des hommes. Pour combien de temps encore...