Throne Of Katarsis fait partie de ces hordes qui parviennent encore à capter l'aura du pur Black Metal norvégien, cette essence glaciale et ténébreuse que beaucoup essayent de raviver, en vain le plus souvent. Au duo originel, composé du multi-instrumentiste Infamroth et du batteur Vardalv, sont venus de greffer deux autres âmes noires, le guitariste et actuel Gehenna, Skinndod et surtout Sanrabb, mercenaire ayant prêté sur scène sa quatre cordes aussi bien à Mayhem qu'à Satyricon, musicien polymorphe pouvant chanter chez Forlon comme tenir les fûts chez Blood Red Throne.
Throne Of Katarsis est devenu un véritable groupe. Son art y a gagné autant en profondeur occulte qu'en puissance tellurique, ce qu'il a peut-être perdu en froideur hivernale. "Ved Graven" l'a démontré en 2011, album impressionnant de maîtrise pourtant inférieur à "An Eternal Dark Horizon", premier méfait des Norvégiens, gravé en 2007. Gommant les menus défauts de son devancier, "The Three Transcendental Keys" renoue avec le blizzard des débuts tout en mettant l'accent sur une dimension métaphysique qui jusqu'alors couvait sous la glace.
Dans la forme, le groupe pousse à son paroxysme l'étirement des durées, allant jusqu'à ne proposer que trois pistes pour plus de 45 minutes de musique, exercice ô combien casse-gueule où les ratages en règle l'emportent sur les réussites. Habitué aux longs développements, Throne Of Katarsis s'en tire haut la main, quand bien même la frontière entre transe répétitive et remplissage à vide se révèle parfois ténue, comme en témoignent les 20 minutes terminales de 'In Timeless Aspects' qui voient ses auteurs parfois être à deux doigts de se perdre dans cette forêt éternellement plongée dans la nuit. Mais le piège est évité grâce à cette science du riff pollué qui se répand à l'infini pendant plusieurs minutes telle une onde sinistre ou grâce à ce final emporté par une batterie métronomique que rien ne semble vouloir stopper, jusqu'à ces accords dissonants égrenés par une guitare suspendue au-dessus d'un gouffre sans fin.
Sans patauger dans le syndrome du son cradingue, la prise de son à la fois froide et toute en nuances est d'ailleurs remarquable. Les Scandinaves sont passés maître dans l'art des notes lugubres et savent appuyer sur l'interrupteur et abîmer tout ce qui les entoure dans un abîme insondable. Il suffit d'écouter les premières et dernières mesures de 'Beyond The Specters' pour en mesurer la morbide efficacité, complainte lancinante que vrillent ces riffs aux allures de pieux labourant les chairs et creusant de profonds stigmates dans l'esprit.
Oeuvre ternaire, "The Three Transcendental Keys" est comme un escalier. Chaque marche plus longue que la précédente, l'entraîne vers une conclusion forcément funeste. Il capture cette ambiance glaciale de roche prisonnière de l'hiver, cette aura cryptique, fiel démoniaque au pouvoir séculaire.