Il serait exagéré que d’affirmer que nous attendions avec impatience ce nouveau méfait de Marduk. Cannibal Corpse du Black, le groupe suédois était entré depuis longtemps dans une routine fâcheuse, à coup d’albums sans surprise, de lives inutiles et de concerts façon blitzkrieg. Même le limogeage de son chanteur Legion et son remplacement par le charmant et affable Mortuus n’avait pu empêcher que l’on se désintéresse quelque peu de lui.
Seulement voilà, derrière la machine de guerre se cache un homme intelligent : Morgan, guitariste et principal (unique ?) compositeur du gang. Marduk est son jouet et il ne pouvait le laisser périr dans une indifférence grandissante. C’est pourquoi aussi, autrefois prolifique comme un lapin, il lui a fallu cette fois-ci trois ans pour offrir un successeur à "Plague Angel". Et si à l’écoute de "Rom 5 : 12", la mue souhaitée n’est pas encore totale, Marduk a incontestablement su faire évoluer ses schémas musicaux.
Proche de son prédécesseur (même ambiance malsaine, visuels grisâtres quasi identiques, inspiration tirée du Moyen Age et ses fléaux millénaristes…) qui apparaît aujourd’hui comme une sorte d’ébauche de ce nouvel opus, il alterne de fait déflagrations sauvages où la batterie blaste à tout va, agressions sonores typiques de Marduk ('The Levelling Dust', 'Through The Belly Of Damnation', 'Voices Of Avignon') et mid-tempos, longs bien souvent, lancinants et glauques misant davantage sur les atmosphères mortifères que sur la vitesse.
C’est vers ceux-ci que va notre préférence. Le pétrifié 'Imago Mortis', l’instrumental dark ambiant, martial et terrifiant '1651', dû à l’entité culte Arditi, 'Womb Of Perishableness', parfois aux confins du doom, et surtout le vertigineux 'Accuser / Opposer', suffocante marche funèbre illuminée (façon de parler) par les vocaux du talentueux A.A. Nemtheanga de Primordial, possèdent une puissance rampante qui redonne à Marduk sa fierté obscure.
Mais là où "Rom 5 : 12" s’avère largement supérieur à "Plague Angel", outre son incontestable qualité d’écriture, réside dans sa faculté à transcender aussi ses titres les plus rapides. 'Cold Mouth Prayer', sur lequel on retrouve avec plaisir Jocke, le hurleur historique de la formation, débute par un mid-tempo imparable avant de s’emballer. De même, 'Limbs Of Worship' et 'Vanity Of Vanities' sont transpercés par de nombreux breaks qui viennent casser le rythme frénétique et linéaire que l’on s’attendait à prendre en pleine face. Enfin, Mortuus semble cette fois mieux intégré à l’univers forgé par Morgan, ses cris inhumains prenant ici toute leur (dé)mesure.
Contre toute attente, les Suédois signent là, sinon leur meilleur album, du moins, l'un des plus réussis car plus ambitieux que ses aînés... Une renaissance !