Bien qu'il en soit le fondateur et le principal - pour ne pas dire l'unique - compositeur, Candlemass n'a jamais vraiment suffi à Leif Edling dont nombre d'albums en dehors du giron maternel émaillent une riche carrière s'étirant sur plus de trente ans. Ceux-ci sont d'ailleurs loin d'être négligeables eu égard à leur égale qualité qui les place à un niveau équivalent à ceux du dinosaure du Doom, voire même au-dessus pour certains d'entre eux. Citons ainsi les deux premiers opus de Krux et "Songs Of Torment, Songs Of Joy", unique essai publié sous le propre nom du bassiste.
A intervalles irréguliers, le bonhomme aime donc faire des infidélité à son principal port d'attache. Celui-ci étant entré dans une période d'hibernation discographique (tout en continuant toutefois à se produire sur scène) suite au limogeage de Robert Lowe, en 2012, on se doutait bien que Edling ne resterait pas longtemps inactif. L'existence de Krux ne se justifiant plus vraiment depuis que Mats Leven a été embauché pour remplacer en live le chanteur américain, c'est par le biais d'un nouveau groupe que Leif revient finalement brûler nos platines.
Pour beaucoup, Avatarium (c'est son nom), vient concrétiser un souhait, mieux un rêve, celui de voir le talent du Suédois s'accoupler enfin avec un organe féminin. Etonnamment (ou non), c'est vers une inconnue que ce dernier a jeté son dévolu : Jennie-Ann Smith. Mais connaissant l'exigence et le bon goût de son employeur, la belle, par ailleurs épouse du guitariste Marcus Jidell (ex Evergrey et Royal Hunt), lequel complète avec le batteur Lars Sköld (Tiamat) et le fidèle claviériste Carl Westholm (Jupiter Society) ce line-up imparable, ne pouvait réellement décevoir. Elle est la grande découverte de ce galop d'essai qu'elle auréole d'un charme puissant avec sa voix belle et émotionnelle.
N'allez cependant pas croire que parce qu'une femme en assure les lignes de chant, cet album soit avare en plomb. Bien au contraire, loin de dissoudre son style dans un sirop mélodique qu'un chant féminin pouvait laisser craindre, Edling ne déserte pas les riffs ultra heavy et les tempos lourds comme de colossales excavatrices forant la terre dont il a toujours le secret.
En cela, cet éponyme dont il a composé l'intégralité des sept compositions, porte son incontestable griffe, laquelle s'incarne en outre à travers une atmosphère psychédélique sinon progressive qui hante toutes ses créations forgées en dehors de Candlemass. Avatarium évoque enfin une autre référence, celle de Ritchie Blackmore et son Rainbow, dont l'ombre drape toute l'écoute. En résulte un savant mélange de doom et de rock progressif qu'animent chant féminin, soli d'une sombre flamboyance dignes de l'homme en noir, claviers psychédéliques.
L'album démarre de la plus grandiose des manières avec l'immense 'Moonhorse' à l'entame écrasante, façon de rassurer ceux qu'une présence féminine effrayait, promesse d'une douceur qui sait se marier à une rythmique tellurique que propulse vers le centre de la terre une prise de son monstrueuse. Imaginez Black Sabbath interprétant 'The Gates Of Balylon' de Rainbow mais avec un chant féminin et toujours cette guitare arabisante et vous aurez alors une petite idée de la teneur de ce titre dont les dernières minutes donnent des frissons. L'autre sommet de l'écoute est atteint avec 'Lady In The Lamp', ballade terminale aux accents boisés d'une rare beauté, (em)portée par la voix d'une déchirante justesse de Jennie-Ann Smith. Là encore, les ultimes mesures sont inoubliables, enveloppées par l'ombre noire et tutélaire de Blackmore. Entre ces deux sentinelles, les cinq autres compos ne déméritent bien entendu pas, surtout l'éponyme 'Avatarium' ou le ramassé 'Boneflower', mais elles ne se hissent pas tout à fait au niveau de ces deux monuments.
Ce nouveau projet tient donc toutes ses promesses, illustrant si besoin en était encore quel remarquable compositeur demeure Leif Edling qui se renouvelle ici avec intelligence tout en conservant sa signature reconnaissable entre mille.