La musique est loin d'être une science exacte, "Closer To Earth" en est une nouvelle démonstration. Prenez un guitariste doué, un virtuose capable d'enchaîner les arabesques les plus délicates à une vitesse sidérante et qui a accompagné les plus grands, de Roger Waters à Keith Emerson. Associez-le à un chanteur sorti de nulle part mais doté d'un timbre clair et précédé de la flatteuse réputation de savoir naviguer avec aisance sur les trois octaves de sa voix. Donnez-leur une poignée de tubes internationaux tous plus glamour les uns que les autres, de ces chansons qui ont inondé durablement les ondes et que chacun a gardé bien au chaud dans les replis de son cerveau.
Normalement, cela devrait aboutir à un résultat éminemment sympathique. Normalement. Mais la musique n'est pas une science, c'est un art, et il ne suffit pas de réunir des ingrédients de qualité pour que le plat soit bon. Il faut aussi y ajouter une touche de magie pour que l'alchimie prenne.
Ainsi, quand Dave Kilminster et Murray Hockridge décident de conjuguer leurs talents (indéniables) pour sortir un album de reprises, rien ne permet de douter du résultat. Pourtant, l'exercice qui consiste à interpréter les œuvres d'un autre est souvent périlleux. Le choix des titres s'avère délicat, il faut éviter les patchworks déséquilibrés dans lesquels se perdent les auditeurs. Et surtout, il faut savoir investir chaque chanson pour la réinterpréter sans la dénaturer ni la plagier.
Le premier écueil est assez bien négocié par le duo Hockridge/Kilminster même si, de prime abord, il peut sembler osé de faire côtoyer R.E.M., Radiohead, Leonard Cohen et Pink Floyd avec des artistes tels que George Michael, Ten cc, Hall & Oates et Cindy Lauper, avec pour arbitres entre le rock cérébral des premiers et la pop sucrée des seconds quelques ténors pop rock comme Elton John, Van Morrison et Steely Dan. Cependant, le mélange des genres, aussi improbable soit-il, fonctionne à peu près.
Cela tient probablement à l'interprétation qui égalise un peu tous ces titres, gommant la causticité d'un 'Losing My Religion', la noirceur d'un 'Street Spirit' ou la goguenardise d'un 'Brown Eyed Girl'. Le chant prend systématiquement une tournure romantique, à en devenir parfois mièvre, et l'accompagnement se réduit à une simple guitare acoustique, donnant certes une unité de ton à l'album mais le rendant aussi prodigieusement impersonnel. Autant le dire crûment, on s'ennuie un peu à l'écoute de ce disque et les acrobaties vocales auxquelles se livre Murray Hockridge pour essayer d'apporter un peu d'âme à son interprétation tombe souvent à plat quand elles ne frisent pas le ridicule.
Avec le talent dont ces deux artistes font preuve, il est dommage qu'ils n'aient pas choisi de donner vie à des créations originales. Peut-être auraient-ils su y apporter l'implication et la sensibilité qui font défaut à cet album, bien réussi au demeurant mais trop stéréotypé pour être attachant.