Décidemment, la scène biélorusse a bien des choses à dire. Après The Archestra et son très bon album d'art rock, voilà que nous déboulent leurs compatriotes de The Worm Ouroboros, à ne pas confondre avec le groupe américain Worm Ouroboros. Mais là où The Archestra s'aventurait sur les territoires chaotiques d'une musique à la limite de l'expérimental, The Worm Ouroboros revient sur les fondamentaux du rock progressif et nous sort un album qui aurait pu paraître quarante années plus tôt.
N'allez pas y voir là un reproche, bien au contraire. Tous les nostalgiques du rock progressif à l'ancienne (stéréo)typé années 70 ne pourront qu'être comblés par la découverte de ce "Of Things That Never Were". Plus particulièrement les amateurs de rock canterburien, de jazz rock et d'ambiances bucoliques. Car comment ne pas penser à Caravan, Camel et autres Hatfield And The North à l'écoute de ces morceaux largement instrumentaux délivrant une musique déliée et mélodieuse, toute en boucles et circonvolutions, pensant à varier rythmes, instruments, nuances et styles tout en conservant une grande facilité d'écoute ? Les excellents 'Shelieth' et 'Return To The Cold Sea Of Nothing' en sont les deux plus beaux fleurons, avec leurs longs développements aux guitares et à l'orgue accompagnés d'une batterie intelligente, d'une basse groovy et dominés pour le second par un savoureux duo flûte/basson.
La flûte est d'ailleurs l'instrument fil rouge de cet album, le plus souvent virtuosement pastorale mais prenant parfois les accents guerriers d'une interprétation à la Jethro Tull comme sur 'L'impasse Sainte Béregonne', une des quelques surprises réservées par cet album. Car ce titre qui ouvre l'album, s'il reste ancré dans le prog 70, commence par une intro syncopée digne de King Crimson pour se poursuivre par un solo de guitare floydien avant d'en finir par une flûte tullienne.
Autres moments à s'affranchir quelque peu de l'école de Canterbury, le brin de folie psychédélique du final de 'The Pear-Shaped Man', l'art rock sophistiqué de 'Pirates in Pingaree' où l'envolée de flûte nous rappelle au bon souvenir du génialissime David Jackson, ou les dernières minutes de 'Soleil Noir' avec ce the sun murmuré à la façon de Pink Floyd avant que le chanteur ne lance dans un cri une guitare psychédélique et une musique lourde et inquiétante à la VDGG. Un beau mélange de classiques bien intégrés. 'The Curfew' reste le titre le plus déroutant, mixant mélodies hypnotiques et hallucinées et onomatopées gutturales semblables au chant tribal d'un shaman invoquant ses dieux.
Enfin, les titres les plus courts ('Ladybird on a Moebius Strip', 'Dawn Angel', 'The Magi'), rencontres fortuites des arpèges d'une guitare acoustique et des volutes d'une flûte, sont autant de petites respirations impressionnistes, reposantes et pastel.
"Of Things That Never Were" n'invente rien. Mais quel bonheur de se replonger ainsi dans l'âge d'or du rock progressif avec un tel brio. Qu'il s'agisse de la veine créative, de la qualité de l'interprétation ou de la clarté de la production, The Worm Ouroboros fait un quasi sans faute qu'il convient de saluer comme il se doit.